Espagne, Italie, Allemagne, Belgique… : comment on y parle des féminicides et comment on agit


DÉCRYPTAGE – Le phénomène des meurtres de femmes par leur conjoint s’est imposé depuis peu dans le débat public français. Qu’en est-il en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, ou encore en Espagne, pays si souvent cité comme modèle ? Avec l’aide de ses correspondants à l’étranger, France Inter dresse un état des lieux.

Peu utilisé il y a quelques années seulement, le terme « féminicide » est progressivement entré dans le lexique politique et médiatique français. Une façon de braquer les projecteurs sur un phénomène trop longtemps resté dans l’ombre : l’an dernier, 121 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon les chiffres officiels. Afin d’endiguer ce fléau, le gouvernement a décidé d’organiser un « Grenelle des violences conjugales », qui se tient jusqu’au 25 novembre.

L’une des difficultés de la comparaison tient aux diverses réalités que recoupent les chiffres fournis par les autorités : certains ne prennent en compte que des couples « officiels » (mariés, pacsés, déclarés en concubinage) quand d’autres retiennent également les homicides commis par un petit ami ou dans le cadre d’une liaison par exemple. Afin d’avoir des valeurs comparables, nous avons donc utilisé les données 2017 d’Eurostat, qui compile les statistiques pour la Commission européenne.

En Allemagne : le nombre record de « femizid »

Outre-Rhin, 189 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint en 2017, d’après les données d’Eurostat. C’est, en valeur absolue, le nombre le plus élevé de l’Union européenne, juste devant la France.

Signe d’une prise de conscience, le terme de « femizid » est de plus en plus fréquemment utilisé dans la presse allemande. Pour autant, on reste loin du compte, selon les associations, qui pointent du doigt le manque de places d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences conjugales. Le pays en compte 7 000 (soit 2 000 de plus qu’en France), mais les centres sont saturés et de nombreuses victimes trouvent porte close.

« L’Allemagne reste un pays très patriarcal », souligne Christa Stolle, responsable de l’association Terre des femmes, interrogée par France 2. « Par exemple, en France, il y a plus de femmes qui travaillent qu’ici. Or, la violence contre les femmes est très souvent liée à une inégalité de statut ».Angela Merkel a récemment débloqué 35 millions d’euros pour financer une campagne de sensibilisation et des places d’hébergement.

En Espagne : des mesures inédites

Notre voisin ibérique est régulièrement cité en exemple par les associations et les responsables politiques. Depuis plusieurs années, le nombre de féminicides en Espagne connaît une baisse régulière : de 62 en 2014, on est passé à 54 en 2017, selon Eurostat. Soit 1,2 pour un millions d’habitants, contre 1,8 pour la France.

La mort d’Ana Orantes, en 1997, a agi comme un électrochoc dans l’opinion publique. Sur une télévision locale andalouse, la sexagénaire témoigne des violences que son mari lui fait subir depuis plus de 40 ans. Moins de deux semaines plus tard, celui-ci l’asperge d’essence et la brûle vive dans le jardin.

C’est le point de départ d’une vaste réflexion sur « les violences machistes » en Espagne. Deux ans plus tard, le code civil est réformé, permettant notamment aux juges aux affaires familiales de délivrer des ordonnances de protection.

En 2004, le gouvernement socialiste de Zapatero fait passer une loi contre la « violence de genre » qui introduit d’importantes réformes : mesures éducatives, campagnes de sensibilisation, formations pour les magistrats, les médecins et les forces de l’ordre. Des tribunaux spécialisés sont également créés : même si la victime ne porte pas plainte, l’État peut le faire à sa place. Autre mesure souvent citée : les bracelets électroniques imposés aux conjoints violentsdepuis 2009.

En 2007, le gouvernement espagnol a signé un pacte national sur la violence conjugale qui consacre 200 millions d’euros par an au financement de la lutte contre les violences faites aux femmes.

Au Royaume-Uni : un projet de loi éclipsé par le Brexit

C’est devenu un rituel. Chaque année Jess Phillips, élue travailliste au Parlement britannique, lit à haute voix la liste des noms de femmes tuées par des hommes. Pour 2017, Eurostat recense au Royaume-Uni 87 féminicides conjugaux.

La récente suspension du Parlement, et les débats interminables autour du Brexit ont par ailleurs entraîné l’abandon d’un projet de loi obligeant les conseils municipaux à fournir un abri aux victimes de violences conjugales qui quittent leur domicile. Face à la colère des associations et d’une partie des parlementaires, le gouvernement britannique s’est engagé à le remettre rapidement sur la table, en nommant Nicole Jacobs, ancienne directrice de l’ONG Standing Together against Domestic Violence, commissaire chargée des affaires de violence familiale. C’est la première fois que ce poste existe au Royaume-Uni.

Une manière de reprendre la main, après l’image catastrophique donnée par Theresa May. L’ancienne Première ministre a été vivement critiquée pour avoir remis une décoration à Sir Geoffrey Boycott, joueur de cricket condamné en France en 1998, pour avoir battu sa petite amie de l’époque dans un hôtel de la Riviera.

En Italie : les dérapages de la presse

Si l’on s’en tient aux données communiquées par Eurostat pour l’année 2017, 65 femmes ont été tuées par leur conjoint en Italie. Un chiffre en baisse ces dernières années (elles étaient 94 en 2014, 83 en 2015 et 2016). Toujours en 2017, 44 % des féminicides étaient commis par un conjoint ou ex-conjoint.

Il y a deux ans, plusieurs organisations de journalistes ont signé un manifeste reprenant la Convention d’Istanbul sur l’élimination des stéréotypes de genre et la promotion du respect mutuel. Pendant un temps, les associations féministes ont cru tenir là un outil permettant d’éviter les articles de presse stigmatisant les victimes de violences ou d’abus sexuels.

Douce illusion. Début septembre, l’Italie a connu « l’un des pires épisodes du journalisme italien en matière de féminicides », selon la journaliste Luisa Rizitelli. Après la mort d’une femme de 28 ans, tuée par un homme qui avait tenté de la séduire, les journaux n’ont pas manqué d’évoquer « la piste passionnelle », « les larmes » d’un meurtrier « repenti ». Un grand quotidien allant jusqu’à le qualifier de « bon géant« , en titre. Le président de l’ordre des journalistes a fustigé le choix des termes employés et la « légèreté inacceptable de certains médias » sur le sujet.

En Belgique : le manque de statistiques officielles

En Belgique, sur ce sujet, c’est un institut public fédéral qui rassemble les statistiques, élabore des campagnes de sensibilisation et formule des recommandations pour les gouvernants. Problème : la dernière étude mise en ligne date de 2010 ! On y apprend notamment qu’une femme sur sept a été confrontée à au moins un acte de violence commis par son (ex) partenaire au cours des 12 derniers mois.

De l’avis général, il manque en Belgique une coordination des différents intervenants, ainsi qu’un budget à la hauteur du problème. Le procureur général de Liège, Christian de Valkeneer, explique que ces affaires qui surviennent souvent le soir ou le week-end sont le plus souvent gérées par des services d’intervention non spécialisés. « Dans les petites zones de police, ils passent des accidents de la route aux violences conjugales, c’est compliqué ! »

Il existe, depuis 2009, un numéro de téléphone gratuit, pour les femmes victimes de violences conjugales. Mais celui-ci ne fonctionne ni le dimanche, ni la nuit. Après 20 heures, il bascule sur une ligne réservée aux appels d’urgence de tous types. Une manifestation est prévue en novembre à Bruxelles.

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