Par Véronique Kipfer
Les gens ont tendance à très vite se confier losrqu’ils marchent dans la nature. (Illustration: Sylvie Serprix)
Temps de lecture 4 minutes
Les discussions entre quatre yeux vous paralysent et vous n’aimez pas les bureaux aseptisés? La psychologue vaudoise Mireille Régis est la toute première en Suisse romande à proposer exclusivement des séances de thérapie en pleine nature. Lancé en 2016, son concept intitulé Walk2Talklui a permis d’intégrer peu à peu six autres professionnels à son équipe et d’élargir pour l’instant son offre de Vevey à Morges. «J’ai toujours été très proche de la nature, raconte la jeune femme de 28 ans. Au fil de mes rencontres, j’ai commencé à faire des marches avec mes connaissances et je ne sais pas si c’est l’impact de la nature ou le fait que je sois psychologue, mais j’ai réalisé rapidement que nous ne nous en tenions généralement pas à une discussion à bâtons rompus: les gens avaient tendance à très vite se confier et à aborder des sujets extrêmement personnels. J’ai donc décidé de sortir du cadre et de proposer des consultations uniquement en extérieur.»
L’importance de l’environnement
C’est ainsi qu’elle et son équipe offrent à tout un chacun la possibilité d’allier à son propre rythme air pur, paysages bucoliques et réflexion sur soi lors de marches thérapeutiques d’une heure. Les psychologues ont établi les parcours à l’avance, ce qui permet aux deux intervenants de pouvoir pleinement se concentrer sur leur discussion. «Ces séances, effectuées en parallèle et non pas en face-à-face, permettent une collaboration très positive entre le psychologue et le participant: on construit quelque chose ensemble en marchant. Cela fait une grande différence», souligne Mireille Régis, qui remarque que cette situation permet également aux gens d’aller «exceptionnellement vite au fond des choses».
On construit quelque chose ensemble en marchant. Cela fait une grande différence
Troisième intervenante lors de ces séances novatrices, la nature, calme et non jugeante, tient elle aussi une place privilégiée dans la résolution des situations: d’une part, les différents éléments de l’environnement peuvent servir à l’usage de différentes techniques, par exemple à l’ancrage d’un moment émotionnellement important par le biais d’une pierre que le participant pourra ensuite garder sur lui. «Nous avons une approche qui intègre différentes techniques en psychologie, et les séances se structurent au cas par cas», souligne Mireille Régis.
Par tous les temps
D’autre part, les spécialistes peuvent parfois utiliser l’environnement et la météo comme métaphores. «La nature n’est jamais pressée ni stressée, et pourtant, les choses s’effectuent toujours dans les temps. Cela prête à réfléchir, remarque la jeune psychologue. Par ailleurs, la nature est si vaste qu’on se sent tout petit, ce qui permet de prendre du recul.» C’est ainsi que les séances se tiennent par tous les temps, qu’il vente, neige ou pleuve. Mais la plupart du temps, la météo est clémente. «L’environnement qui s’exprime fait aussi partie de la thérapie. Plusieurs études montrent que sortir par mauvais temps est bénéfique à l’estime de soi. Par ailleurs, cela favorise des moments magiques et uniques, comme lorsqu’un client et l’une de nos psychologues ont fait une séance au milieu de Lavaux, de nuit et avec une lampe frontale. Cela permet d’ancrer chaque rencontre dans quelque chose de différent.»
Une forme de méditation
Le chant des oiseaux, le passage d’un avion ou encore le roulement du tonnerre? «Ils ne présentent aucun problème lors d’une séance. Même dans un espace clos, il y a toujours un bruit pour nous distraire. Dans la nature, on se met en mode automatique et on est généralement tellement concentré sur la discussion qu’on ne remarque plus rien. On en arrive à une forme de méditation en marchant, et j’ai l’impression que les clients voient et entendent alors uniquement ce qui leur est utile.»
Plusieurs études montrent que sortir par mauvais temps est bénéfique à l’estime de soi
Destinée à tous ceux qui traversent une épreuve ou affrontent un questionnement professionnel, relationnel ou social mais ne souffrent pas de graves traumatismes, les consultations se font plutôt sous la forme de thérapies brèves, menées à bien à raison de quatre à douze séances environ. «C’est un service qu’on offre selon le besoin, et les gens peuvent espacer librement les séances dans la durée, selon leur envie. La première séance est souvent un bilan, puis on travaille sur des facettes précises, dans le but d’aider la personne à aller mieux.»
Bonne nouvelle: l’équipe de Walk2Talk commence à travailler en délégation. Cela signifie que, dès à présent, les psychothérapeutes ou psychiatres intéressés à lui envoyer des clients pourront le faire, ce qui permettra à ces derniers de se faire rembourser par leur assurance maladie.
Pour aller plus loin
Pour enrichir la réflexion, Mireille Régis conseille la lecture suivante : Marcher pour se (re)trouver, Odile Chabrillac, paru aux Éditions Leduc.S en 2017 et disponible chez Ex Libris .