Par France Inter
Paul Douard, rédacteur en chef chez Vice France et auteur de « Je cultive l’anti-ambition« , s’est confié au micro d’Ali Rebeihi dans Grand bien vous fasse. Il explique comment son existence et sa personnalité se sont construites autour de cette culture de vie et combien elle lui a plus apporté que le contraire.
De l’ambition de ne pas être ambitieux : se distinguer autrement ?
« Je voulais arrêter cette course interminable vers un bonheur obligatoire, une réussite matérielle et spirituelle. J’ai accepté de ne pas avoir le contrôle sur tous les pans de ma vie et cela m’a montré que plus je courais, plus ça se passait mal ».
Je me suis rendu compte que ça m’allait bien d’être banal, que j’étais très heureux comme ça
Il affirme qu’au contraire, il lui « est arrivé des choses très intéressantes professionnellement, comme dans la vie privée […] Il faut se concentrer sur ce qui vous fait du bien. Et si cela procure du bonheur aux autres c’est encore mieux. Contrairement à l’arrivisme qui a un côté très égoïste, on peut avoir l’ambition de développer certains projets au profit du bien commun ».
Cet aspect « je me regarde dans le miroir », ne peut mener à rien de bon à terme.
« Tous nos actes ont tendance à faire que l’on se distingue, il ne faut donc pas suivre cette tendance mais juste accepter de laisser aller les choses. C’est presque trop facile de devoir devenir quelqu’un, c’est une intention égocentrique et quelque chose que je révulse. C’est juste un regard différent et qu’à défaut d’être heureux, on peut finir par accepter qu’on puisse ne pas l’être et c’est une première étape essentielle dans la vie ».
Tout va bien je vous rassure, regardez, je souris encore !
La non-ambition pour mieux parvenir à son but ?
Quand on lui demande si « l’ambition ne résiderait pas justement dans le fait de mettre en scène sa non-ambition pour avancer de manière masquée », le journaliste de Vice France affirme : « Je ne pense pas être aussi machiavélique. Je pense que, dans ma vie aujourd’hui, c’est plutôt une manière de cristalliser mes propres angoisses. Et le fait d’écrire sur ce sujet qui m’a longtemps fait du mal, ça me permet de l’évacuer, de vivre plus sereinement et d’éviter de tomber dans cette espèce de dépression qui pourrait me guetter ».
Sans ambition, pas de grandes inventions ?
« Je ne sais pas si c’est une question d’ambition qui a mené aux fabuleuses créations et grandes découvertes de notre société. Par exemple, Mozart n’a-t-il pas tout simplement laissé aller son talent ?«
« Ce n’était pas une volonté première d’être dans cet état assez partiel. A l’époque, durant l’enfance, on ne me donnait pas de raison d’être autrement : il fallait que j’ai des bonnes notes, point« .
« J’étais cet étudiant au fond de la classe qui ne faisait pas beaucoup d’efforts.
Etudiant en master de droit des marchés financiers, puis en école de commerce, le journaliste se rappelle que c’était « difficile pour lui comme pour ses camarades en termes d’interaction« . Pendant un an ça a été : « soyez les meilleurs pour trouver un travail », le discours semblable de l’entrepreneuriat qui ne me plaisait pas du tout, car j’avais besoin de raison de le faire. Je n’ai pas pu tendre à devenir cette personne géniale.
Est-ce de la paresse ?
Il n’est jamais tard pour trouver ce que l’on veut faire
Le journaliste assume sa culture de la non-ambition : « Oui j’ai un côté paresseux, mais je trouve que c’est plutôt bon signe car elle n’est pas mauvaise en soi. Il ne faut pas la fustiger en permanence car au contraire cela peut donner de belles choses. D’ailleurs, le premier article que j’ai écrit en tant que journaliste s’intitulait « l’anti-ambition ».
« J’ai toujours travaillé. L’anti-ambition ne veut pas dire qu’on ne fait rien. Cela s’intègre au contraire dans tout ce qu’on fait au quotidien. J’expliquais que je ne voulais pas travailler et on m’a justement offert un travail pour cela« .
La peur de l’ambition, la peur de la société
« Ce serait malhonnête de dire que je suis très confiant par rapport à tout. Essayer de tout contrôler dans sa vie, c’est aussi une manière de rencontrer beaucoup de déceptions, car la vie est faite de déceptions et il vaut mieux les accepter. C’est une manière de vivre avec, de rebondir souvent sur des choses très agréables ».
Il y a cette pression sociale persistante et c’est quelque chose de difficile à oublier dans la société aujourd’hui
« Je n’ai peut-être pas entièrement mûri là-dessus et je reste bloqué dans cette idée de « j’en ai rien à faire » ».
Les ambitieux plus motivés pour travailler ?
Paul Douard : « il faut accepter qu’on n’est pas sur cette planète que pour travailler 40 heures par semaine. C’est très bien de vouloir faire autre chose. Il faut accepter que les gens aient envie de faire autre chose« .
« La motivation au travail c’est délicat, il faut d’abord trouver un travail qui nous plait. Il ne faut pas hésiter à passer par des moments complexes et difficiles, on peut travailler et tester des choses sans que ça se passe comme on l’aurait voulu« .
Dans la vie de couple
« J’ai cru que c’était ce qu’il fallait faire, que le bonheur se trouvait là, ce que la société m’avait montré et inculqué. Ça a duré un temps et je me suis rendu compte que ça ne collait pas. Je n’étais pas assez adulte dans plusieurs points de vue. Nos chemins se séparaient.
« Ces couples dans l’air du temps qui ressemblent plus à des start-up comme des actions qu’il fallait faire fructifier ensemble. Moi ça ne m’allait pas quand pour d’autres ça allait ».
Je tiens à sortir du cadre social ; à accepter de ne pas vouloir à tout prix rentabiliser mon temps à quelque chose d’utile.
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