L’être humain court à sa perte, et c’est la faute de son cerveau


Par France Inter

L’homme ne parvient pas à s’arrêter de détruire la planète… En cause une petite partie de son cerveau, le striatum, qui l’empêche de se limiter de produire et de consommer. Sébastien Bohler, est rédacteur en chef de la revue Cerveau & Psycho, et docteur en neurosciences. Il publie « Le Bug Humain » chez Robert Laffont.

Il était l’invité de Grand bien vous fasse, l’émission d’Ali Rebeihi.

Sébastien Bohler : « En novembre 2017, j’ai entendu dans un journal à la radio ces deux informations contradictoires : « Les émissions de CO2 sont reparties à la hausse. La terre est dans rouge, ce sont 15 000 scientifiques qui le disent, et ils demandent à ce que l’on freine le développement pour éviter la misère. » Et « 430 avions à fabriquer, ce sont des emplois prévus… ». Cela m’a interpellé. Je me suis dit qu’il y avait un bug chez l’homme »

L’homme détruit son environnement en se servant de son intelligence exceptionnelle

Sébastien Bohler : « Un million d’espèces animales va disparaître dans les prochaines décennies, soit, j’ai fait le calcul, une espèce toutes les 20 minutes. La calotte glacière fond six fois plus vite qu’il y a 40 ans. Et l’être humain est à l’origine de tout ça. Il a conquis la planète grâce à une intelligence fabuleuse qui semble aujourd’hui paralysée devant le spectre de la destruction totale des espèces vivantes et à terme de lui-même. »

J’ai également remarqué que nous sommes effrayés par la fonte de la calotte glacière, et que dans le même temps nous achetons des bitcoins (monnaie dématérialisée) qui contribuent à sa fonte. Parce que ce qu’on ne sait pas toujours c’est que pour faire exister cette monnaie, il faut un travail informatique à l’aide de serveurs très puissants qui contribuent au réchauffement climatique.

Pour maximiser ces serveurs, on les mets dans des endroits gelés : le sous-sol de l’Islande. La consommation de ce réseau de serveurs dépasse les 30 terawatts/heure, soit l’équivalent de la consommation électrique de la Hongrie ou de l’Irlande. Donc on dépense des quantités d’énergie, alors qu’il suffirait de quelques billets ou pièces qui durent longtemps avec un impact carbone presque nul…

C’est comme si nous étions les pilotes d’un avion dont les témoins lumineux hurlent à tue-tête pour signaler un crash imminent. Nous assistons sans réaction aux préparatifs de notre propre enterrement, et plutôt que de freiner, nous nous disions : « il reste 5 minutes avant la fin du monde, alors j’en profite ! « 

La faute au striatum

Sébastien Bohler : « Situé au centre du cerveau, le striatum est une structure très ancienne un peu globuleuse de notre cerveau qui existe chez tous les mammifères. Il fait la taille d’une grosse prune. On sait maintenant grâce aux IRM quand ce striatum nous donne du plaisir. Il libère de la dopamine, l’hormone du plaisir, lorsqu’on fait certaines actions. Il nous va guider, orienter nos motivations profondes. »

On retrouve le striatum dans 5 grandes motivations

  • manger
  • se reproduire
  • acquérir du pouvoir 
  • faire avec un minimum d’effort
  • glaner un maximum d’informations sur son environnement (cela semble moins évident aujourd’hui mais au paléolithique, trouver une information pouvait signifier la vie ou la mort).

Le problème ?

Sébastien Bohler : « A l’origine, quand vous trouviez de quoi vous nourrir, mieux valait en manger le plus possible parce que vous n’étiez pas certain de trouver autre chose avant plusieurs semaines. D’où la création des « gènes gloutons » qui à cette époque reculée étaient très intéressants. Aujourd’hui dans une société de pléthore où il suffit d’appuyer sur une application pour avoir de la nourriture, les gènes gloutons ne savent pas s’arrêter et on se retrouve avec des problèmes de surpoids… Et aujourd’hui on meurt plus de suralimentation dans le monde que de la faim. »

C’est le même processus qui nous pousse à acquérir beaucoup plus de pouvoir

Sébastien Bohler : « Le besoin de statut social a un lien direct avec le striatum. A la préhistoire, devenir chef de votre groupe, vous donnait des avantages : vous choisissiez votre partenaire sexuel, donc vous répliquiez votre ADN, et vous aviez plus d’accès à la nourriture. Le statut social était un garant de meilleures chances de survie. 

Donc depuis toujours on est programmé pour rechercher un meilleur statut social. Aujourd’hui, cela passe par l’acquisition d’une grosse voiture, ou par la quête de « like » sur les réseaux sociaux. »

Pas de limite pour le striatum

Sébastien Bohler : « Dans le cerveau, c’est le cortex (qui sert principalement à créer de la planification et de l’abstraction) qui seul peut dire stop au Striatum. Mais souvent il passe sous sa coupe. Donc, nous avons un outil très complexe, le cortex, le siège de l’intelligence, mais qui se met au service d’une partie très primaire de notre cerveau. Cette lutte entre le cortex et le striatum explique que nous n’arrivions pas à nous projeter à long terme pour limiter le réchauffement climatique et que nous préférons consommer là tout de suite maintenant. » 

L’économie de la croissance est idéale pour ce circuit de la récompense.

Sébastien Bohler : « Le striatum est régi par un principe simple : la lassitude. Si tous les jours on vous donne la même cacahuète, au début le striatum envoie des signes de récompense. Ensuite, le seul moyen d’augmenter les seuils de dopamine, c’est d’augmenter les doses. Si on transpose dans le domaine de la consommation, c’est donc d’avoir une voiture plus grosse, suréquipée… »

Quelques pistes pour contrer le striatum

  • On a remarqué que certaines personnes résistent mieux à la pression du plaisir immédiat grâce à leur éducation. Donc, tout n’est peut-être pas perdu !
  • On essaye de développer du plaisir « dans le moins » : on éveille sa conscience à des satisfactions plus simples.
  • On éduque à trouver du plaisir dans l’altruisme : on félicite les enfants quand ils se tournent vers les autres.
  • On doute de nos pratiques consuméristes.
  • On retrouve la satisfaction de faire par nous-même : créer valorise, et permet de comprendre les chaines d’action en cuisinant, en cousant ou en bricolant… C’est essentiel pour l’équilibre.
  • On pratique la méditation de pleine conscience : pendant longtemps on a développé l’intelligence. Aujourd’hui on est donc en déficit de conscience. C’est le moment d’inverser la tendance !

 

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