Du bon usage des substituts nicotiniques


Dr Roseline Péluchon

La France compte environ 16 millions de fumeurs, soit environ 1/3 de la population de plus de 15 ans. C’est plus que nos voisins européens, puisque par exemple en Espagne ou en Allemagne le nombre de fumeurs n’excède pas un quart de la population.

Dans la lutte contre le tabagisme, l’implication de tous les soignants est essentielle, d’autant que plusieurs travaux ont démontré l’impact positif du conseil d’arrêt quand il est donné par un professionnel de santé (1).

La Haute Autorité de Santé (HAS) préconise en première intention la prescription de substituts nicotiniques (2). Les traitements nicotiniques de substitution (TNS) réduisent les symptômes de sevrage, l’envie de fumer et aident à la prévention des rechutes. Leur utilisation augmenterait de 50 % à 70 % l’abstinence à 6 mois (3).

Un choix varié de formes transdermiques ou orales

De nombreuses formes galéniques de substituts nicotiniques sont commercialisées. Chacune a des spécificités propres, qu’il est important que le praticien connaisse pour adapter ses recommandations à chaque sujet.

La forme transdermique est représentée par les patchs. Ils ont une faible vitesse d’absorption et assurent une nicotinémie constante, en plateau. Simples d’utilisation, ils peuvent présenter un risque de sensibilisation cutanée dont il est utile d’informer le patient. Changer quotidiennement le site d’application ou choisir une autre marque de dispositif réduisent ce risque. Certains « timbres » doivent être portés pendant 24 heures, et délivrent 21, 14 ou 7 mg de nicotine par jour, d’autres pendant 16 heures et délivrent 25, 15 ou 10 mg par jour.

Les formes orales se présentent comme des gommes à mâcher, des comprimés à sucer, des pastilles ou des comprimés sublinguaux, des inhaleurs ou des sprays buccaux. Ils sont d’action rapide et, contrairement aux patchs, n’assurent pas une nicotinémie constante.

Les gommes, commercialisées en 2 et 4 mg, existent en plusieurs saveurs. La nicotine est absorbée par la muqueuse buccale. La gomme ne doit pas être mâchée comme un chewing-gum, mais plutôt sucée lentement, ce qui, non seulement favorise l’absorption de la nicotine, mais évite aussi les effets indésirables tels que brûlures pharyngées ou gastriques, hoquet. La dose de nicotine libérée est environ 1 mg pour la gomme dosée à 2 mg et 2 mg pour les gommes dosées à 4 mg.

Les comprimés et pastilles à sucer et les comprimés sublinguaux existent eux aussi en plusieurs dosages et en plusieurs saveurs. Leur pharmacocinétique est sensiblement la même que celle des gommes, la nicotine étant essentiellement absorbée par la muqueuse buccale. Les effets secondaires tels que brûlures gastriques ou pharyngées peuvent être prévenus en laissant fondre le comprimé ou la pastille plus lentement.

Autre forme orale de TNS, les sprays buccaux permettent une absorption très rapide de la nicotine. Chaque spray délivre 150 doses de 1 mg de nicotine. Il est recommandé de ne pas dépasser 2 pulvérisations par prise, 4 pulvérisations par heure et 64 pulvérisations par 24 heures. Le sujet doit éviter d’inhaler pendant la pulvérisation et de déglutir pendant quelques secondes. Il est formellement recommandé de ne pas fumer pendant le traitement par spray buccal, qui ne devrait pas excéder 6 mois. Notons enfin que cette forme de substitution contient de l’éthanol.
Les inhaleurs se présentent avec des cartouches de 10 mg de nicotine, dont l’utilisation est à adapter individuellement, jusqu’à un maximum de 12 cartouches par jour et pendant une durée inférieure à 12 mois.
Les formes orales entraînent des pics de nicotinémie (contrairement aux formes transdermiques) et ont une pharmacocinétique nicotinique proche de celle induite par le tabagisme. Cela explique peut-être que ces formes peuvent avoir un potentiel addictif.
Le choix de la forme de substituts pour initier et pérenniser le sevrage doit se faire avec le sujet désirant arrêter de fumer et tenir compte de son type d’activité, de son niveau de consommation de nicotine, de l’importance de son addiction, de sa psychologie… Il faut également savoir, qu’en fonction des résultats, il est possible, de passer d’un substitut à l’autre ou d’associer si nécessaire, chez des sujets fortement dépendants,  différentes formes galéniques.

Quelle que soit la forme choisie, quelques règles générales de prescription sont recommandées au praticien accompagnant le patient au cours de son sevrage.

Le bon usage, condition de l’efficacité du TNS

Pour améliorer les chances de réussite, il est conseillé de fixer, dès l’initiation du traitement, une date pour l’arrêt total du tabac.

Bien que souvent difficile, l’évaluation de la dose de nicotine de substitution est une étape cruciale. La dose initiale doit être rapidement suffisante. Elle dépend du nombre de cigarettes consommées et de l’intensité de l’inhalation.

Certains ont proposé une solution simple pour initier le traitement. Il s’agit de prescrire pour commencer un patch correspondant en mg au nombre de cigarettes consommées. Ainsi, un fumeur de 20 cigarettes se verra proposer pour débuter un patch de 21 mg. Plusieurs patchs pourront être associés si nécessaire, l’un posé le matin, l’autre le soir. Il est alors conseillé de tenter des réductions prudentes de doses tous les 15 jours, sachant que le traitement durera plusieurs mois.

Une consultation programmée au plus tard 7 jours après le début du traitement évaluera les effets indésirables, les signes de surdosage ou les symptômes de manque et adaptera les doses du TNS, par paliers de 7 mg.

Si le patch seul multiplie par 2 les chances de réussite, l’association du patch aux gommes, pastilles et autres sprays les multiplierait par 3. Cela permet de limiter le « craving ». Le patient peut alors adapter quotidiennement sa dose de nicotine à ses besoins ponctuels. Une éducation à leur utilisation est souvent utile pour s’assurer d’un usage optimal.

La dose efficace de nicotine doit être trouvée en 2  semaines environ, délai au-delà duquel le patient devrait avoir arrêté de fumer. Le traitement doit être prévu pour au minimum 3 mois, mais peut être prolongé. Le suivi sera de toute façon assuré au long cours et s’attachera à la prévention des récidives. Rappelons que les TNS sont autorisés chez la femme enceinte et en cas de pathologie cardiovasculaire avérée.

Depuis le 1er novembre 2016, l’Assurance Maladie rembourse, sur prescription, les traitements par substituts nicotiniques, à hauteur de 150 € par année civile et par bénéficiaire.

Pour en savoir plus, nous invitons les professionnels de santé à profiter des outils mis en place dans le cadre de l’opération #MoisSansTabac disponibles sur l’espace professionnel de la plateforme Tabac info service.

JIM

RÉFÉRENCES

(1) – Slama K et coll. : Effectiveness of minimal intervention by general practioners with their smoking patient : a randomised, controlled trial in France. Tob Control 1995 ; 4 : 162-9
(2)- HAS – Arrêt de la consommation de tabac : du dépistage individuel au maintien de l’abstinence en premier recours.
(3) – Silagy C et coll. : Nicotine replacement therapy for smoking cessation (Cochrane Review). In: The Cochrane Library, Issue 2, 2002.
(4) – HAS – Outil associé à la recommandation de bonne pratique « Arrêt de la consommation de tabac : du dépistage individuel au maintien de l’abstinence ».
(5) – INPES – Espace Professionnel http://inpes.santepubliquefrance.fr/10000/themes/tabac/index.asp

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