7 choses fausses sur l’éjaculation féminine


Par Laurène Levy

Entre tabou et fascination, l’éjaculation féminine reste un phénomène empreint d’idées reçues. Toutes les femmes peuvent-elle devenir des « femmes fontaine » ? Que contient ce liquide, et d’où vient-il ? L’éjaculation s’accompagne-t-elle toujours d’un orgasme ? E-santé fait le point, avec les explications de Tiphaine Besnard-Santini, sexologue et docteur en sociologie.

Idée-reçue n°1 : la « femme fontaine » est un mythe

Ejaculation féminine, expulsion féminine ou « femme fontaine », ces trois expressions désignent un même processus : « une expulsion liquidienne urogénitale involontaire », décrit la sexologue Caroline Meauxsoone-Lesaffre dans un article qu’elle publie en 2013*.

Si l’observation de l’éjaculation féminine est rapportée depuis l’Antiquité, son appellation continue de faire débat aujourd’hui : « l’expression ‘femme fontaine’ est une appellation que j’emploie peu car elle a longtemps été associée à quelque chose de négatif, de dégoûtant, caractérisant une femme qui ne sait pas se retenir, qui urine… ou à quelque chose de spectaculaire, comme en pornographie où de fausses éjaculations féminines peuvent être mises en scène », nous explique Tiphaine Besnard-Santini, sexologue et docteur en sociologie.

Côté sciences, les recherches menées sur l’éjaculation féminine sont assez récentes : « elles n’existent que depuis 20 ou 30 ans, c’est pourquoi le sujet de l’éjaculation féminine est encore à l’origine de vifs débats entre sexologues, urologues et gynécologues » déplore Tiphaine Besnard-Santini.

Idée-reçue n°2 : Seules peu de femmes peuvent éjaculer

Quel est le pourcentage des femmes capables d’expérimenter une éjaculation féminine ? « Ce chiffre fait encore aujourd’hui débat », constate Tiphaine Besnard-Santini.

D’un côté, « plusieurs spécialistes comme Deborah Sundhal (experte américaine en sexualité féminine, ndlr) affirment que 100% des femmes possèdent cette faculté » rapporte la sexologue. Selon d’autres spécialistes, cela concerne seulement un pourcentage restreint de femmes : 6, 10 ou 40% de femmes selon les études. Mais « ces données sont peu fiables car il s’agit d’un sujet tabou où la gêne et la pudeur censurent parfois les réponses » commentent plusieurs gynécologues et urologues dans l’étude Que sait-on des femmes fontaines et de l’éjaculation féminine en 2015 ?**

Ainsi le nombre exact de femmes pouvant ou ayant déjà connu une éjaculation n’est pas arrêté. « Il n’existe pas de preuve établie car ce sujet de recherche reste tabou, empreint de préjugés et de stéréotypes » note Tiphaine Besnard-Santini. Mais « potentiellement, toute femme a la capacité physique d’éjaculer » affirme l’ancienne actrice et réalisatrice Ovidie, dans son livre Osez…découvrir le point G(Editions La Musardine, 2014).

Idée-reçue n°3 : Le liquide éjaculé est de l’urine

Au niveau de la composition biologique, « l’éjaculat féminin présente des similitudes avec l’éjaculat masculin car il contient du glucose et du PSA (antigène spécifique prostatique)… Composition semblable, les spermatozoïdes en moins » décrit Tiphaine Besnard-Santini. L’éjaculat féminin contient également de la créatine et une faible quantité d’urée. Sa composition particulière montre qu’il ne s’agit donc ni d’urine, ni de cyprine, la sécrétion vaginale et lubrifiante produite par les glandes de Bartholin.

Mais d’où vient ce liquide ? « L’éjaculat féminin est produit par un organe à part entière. Soit les glandes de Bartholin, soit les glandes de Skene, soit les deux ensembles, soit la zone du point G quand elle est stimulée » détaille la sexologue. Le point G, aussi appelé « prostate féminine » correspond en effet à un tissu composé de glandes « présent chez 80% des femmes », écrit la docteure Marie-Claude Benattar, gynécologue, dans son livre Plaisir féminin (Editions Josette Lyon, 2008). Cette « grappe de raisin » qui entoure le canal de l’urètre « gonfle sous l’effet des caresses, se remplit et produit par activation de ses cellules glandulaires un fluide ». Les « femmes ‘fontaines’ en produisent de grandes quantités » poursuit-elle.

Comme le rapportent le docteur Salama et ses confrères**, la théorie la plus soutenue est que l’éjaculat serait en réalité composé de deux fluides distincts : « un premier abondant, aqueux, transparent, et contenant de l’urée, de la créatine et de l’acide urique, et un second très peu abondant (inférieur à un millilitre), épais, d’aspect laiteux, et contenant beaucoup de PSA. » Ils précisent que « le premier serait une urine diluée et correspondrait à proprement parler au ‘squirting’ des femmes fontaines. Le second serait alors un éjaculat prostatique par analogie au mécanisme de l’éjaculation chez l’homme ».

Question quantité, le volume est variable selon les femmes et selon les éjaculations. La quantité émise fluctue ainsi « de 5 millilitres à 200 millilitres, c’est-à-dire qu’elle peut aller de quelques gouttes à un ‘demi’ de bière, en passant par la cuillère à café, la cuillère à soupe ou la tasse » expose le docteur Gérard Leleu, médecin sexologue, dans son livre Le Traité des orgasmes (Leduc.s Editions 2007).

Fait à noter : « L’éjaculation féminine peut être répétée plusieurs fois et ce sans temps de latence, contrairement à l’éjaculation masculine, ce qui peut expliquer d’importants volumes cumulés d’éjaculat » constate Tiphaine Besnard-Santini.

Idée-reçue n°4 : L’éjaculat s’écoule comme de la cyprine

« Contrairement à la cyprine qui suinte, perle comme de la sueur, l’éjaculat sort comme un jet et ne ruisselle pas » décrit Tiphaine Besnard-Santini.

Concrètement, le tissu spongieux et glandulaire situé autour de l’urètre se gorge de liquide sous l’effet des caresses et grossit. L’éjaculat est ensuite évacué dans les canaux des glandes et sortirait « soit par l’urètre, soit de l’extérieur de la vulve » explique la sexologue.

Idée-reçue n°5 : L’éjaculation féminine est forcément associée à un orgasme

La sensation qui accompagne une éjaculation féminine est « assez variable selon les différents témoignages », rapporte Tiphaine Besnard-Santini. Ainsi, « comme chez l’homme, l’éjaculation peut être dissociée de l’orgasme et peut survenir à différents moments du rapport » ajoute-t-elle. « Le plus souvent, l’éjaculation semble être vécue par la femme comme un pic de sensation forte. Elle est également associée à un pic émotionnel car la zone du point G est liée au nerf vague lui-même impliqué dans les émotions. Pour d’autres femmes, l’éjaculation sera vécue comme une libération, comme lorsque l’on soulage sa vessie après une forte envie d’uriner car les glandes chargées ont besoin d’évacuer le liquide » détaille la sexologue.

Mais « si l’éjaculation survient pendant l’orgasme, elle peut décupler le plaisir de la femme » observe la spécialiste.

Idée-reçue n°6 : Seule la pénétration provoque une éjaculation féminine

Que l’éjaculation soit produite par les glandes situées autour de l’urètre ou par le tissu du point G, la zone excitable se situe dans les deux cas à l’avant du vagin. C’est pourquoi « toutes les positions qui stimulent cette zone seront donc intéressantes pour provoquer une éjaculation féminine : la position du missionnaire avec un coussin sous les fesses de la femme pour les relever, la levrette ou simplement l’introduction de doigts dans le vagin, en les orientant vers le haut et en stimulant la zone de façon régulière, douce et circulaire se révéleront efficaces », selon Tiphaine Besnard-Santini.

Si la pénétration avec un pénis ou avec des doigts est souvent obligatoire pour déclencher une éjaculation féminine, elle n’est pas toujours nécessaire. En effet, « certaines femmes parviennent à éjaculer seulement avec un cunnilingus car le clitoris possède des racines d’une dizaine de centimètres qui entourent le vagin et les glandes soupçonnées de produire l’éjaculat. La stimulation externe du clitoris peut alors stimuler ces glandes et cette excitation peut suffire pour éjaculer, mais cela reste tout de même très rare » commente la sexologue.

Idée-reçue n°7 : Il est impossible d’apprendre à éjaculer

Si l’on considère que d’un point de vue anatomique, toutes les femmes sont capables d’expérimenter une éjaculation féminine, peuvent-elles toutes s’entraîner à vivre cette expérience ? « Il existe des exercices de stimulation pour apprendre à éjaculer » reconnaît Tiphaine Besnard-Santini. « Ils consistent tout d’abord à se familiariser avec cette zone, à s’auto-stimuler avant d’essayer avec son ou sa partenaire » ajoute-t-elle.

« La première étape réside déjà dans la déconstruction de la peur d’uriner, au moyen d’un travail psychologique. En effet, beaucoup de liquide peut être expulsé et les femmes peuvent craindre de salir les draps ou la surface sur laquelle elles se trouvent. Le plus fréquemment, il faut d’abord casser cette inhibition héritée du tabou et de l’aspect gênant et honteux de l’éjaculation féminine » conseille la sexologue.

Mais attention, apprendre à éjaculer ne doit pas devenir une injonction pour les femmes : « il ne faudrait faire de cette possibilité une contrainte et instaurer ainsi un nouveau terrorisme selon lequel la femme qui n’aurait pas un point G hypersensible et une éjaculation automatique ne serait pas normale ou pire ne serait pas une ‘vraie’ femme. Les femmes n’ont pas à faire de l’éjaculation l’objectif de tous rapports sexuels (mais elles pourront apprendre à l’obtenir). Les hommes n’ont pas à exiger systématiquement cette émission » met ainsi en garde le docteur Leleu, médecin sexologue, dans son ouvrage. Car les rapports sexuels doivent avant tout être un moment de plaisir partagé.

E-Santé

* L’émission fontaine ou l’éjaculation féminine, Caroline Meauxsoone-Lesaffre, Annales Médico-Psychologiques 171 (2013) 110-114.
**Que sait-on des femmes fontaines et de l’éjaculation féminine en 2015 ? Salama et al., Gynécologie Obstétrique & Fertilité (2015).

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