Par Lyvia Cairo Auteure du blog Lyvia Cairo
Aujourd’hui je me sens peu à peu guérie. Sinon je n’aurais pas pu écrire ici.
J’ai été dans une relation toxique. Plusieurs en fait. Mais une en particulier m’a fait beaucoup de mal et beaucoup souffrir.
J’ai beaucoup de mal à écrire dessus car ce qui me vient –des restes j’imagine– c’est: ce n’est pas sympa de dire ça. Ce n’est pas cool de dire ça, pour l’autre.
Mais si j’ai été dans une relation toxique pour moi, il a été dans une relation toxique pour lui.
Aucun des deux n’est toxique en soi. Mais la relation peut être terrible.
Une espèce de loyauté m’a retenu d’écrire de façon explicite, car je ne voulais pas qu’on pense du ‘mal’ de lui. Pendant longtemps je ne l’ai pas dit à mes amis. Une part de moi voulait le protéger. Plus maintenant.
Maintenant je réalise qu’il a son chemin et que j’ai mon chemin. Et que nos chemins ne se croisent plus.
Le mien croise ceci dit, celui de nombreuses femmes, des femmes que j’aimerais prévenir de ce qui est ‘normal’ et ce qui ne l’est pas.
Comme beaucoup de jeunes femmes, je n’avais pas de repères, tu vois, je ne savais pas ce qu’était une ‘bonne’ relation.
Ma responsabilité envers les femmes et jeunes femmes que j’aimerais inspirer est plus grande que ma peur, ou mon ego, ou ma peur d’être jugée.
Aujourd’hui que je suis dans une bonne relation, une excellente relation, je vois tous les contrastes. J’en suis encore étonnée.
Au début de cette relation, j’ai fait deux grosses crises d’angoisses, car j’avais peur que tout m’échappe, que les schémas du passé se répètent. J’ai fait à mon chéri promettre qu’il ne m’abandonnera pas, qu’il ne me laissera pas, “never let me go” je lui ai dit, il a répondu en me fixant dans les yeux: “never”.
Mais ce que je lui exprimais c’était non pas la peur qu’il s’en aille, mais la peur du rejet de qui je suis. Et que cette personne ne soit plus parmi nous. Rejet que j’ai tellement ressenti.
Cette nouvelle relation m’apprend tellement sur ce que l’on est en droit d’attendre. Et je veux te le partager ici. Peut être de nouveaux repères.
Voici ce qui n’est pas ‘normal’ dans une relation:
Ce n’est pas normal de pleurer tout le temps
Cela paraît évident comme ça, mais dans ma relation passée j’ai tellement pleuré. C’était agaçant car je ne savais pas pourquoi. Aujourd’hui je sais que c’était la pression. La pression de devoir expliquer, justifier, convaincre et de ne pas trouver les mots.
Ce n’est pas normal que quelqu’un te fasse te sentir mal “pour ton bien”
Mon ex m’a dit des choses qui m’ont blessée pour mon bien. Par exemple: tu as pris du poids. Tu devrais faire du sport – je te le dis pour ton bien.
Tu ne te comportes pas bien avec ta mère. Je te le dis pour ton bien. Tous ces reproches pour une ‘amélioration’ constante. “J’aimerais que tu me dises la même chose si tu voyais des choses comme ça” il me disait.
J’ai compris avec le temps que les standards qu’il m’imposait étaient aussi élevés voire plus élevés pour lui.
Ce n’est pas normal de ne pas être vu comme assez bien
Jamais.
Je me retrouvais à convaincre mon ex que j’étais assez bien pour… qu’il se marie avec moi, que je sois la mère de ses enfants. Être moi ne suffisait pas. Il fallait que j’explique tout le temps et que je négocie tout le temps.
Je ressentais une pression énorme.
Au début je ne gagnais pas assez d’argent. Ensuite mon désir d’en gagner plus était menaçant et ne nous laissait pas assez de temps. Ensuite (et c’est ce qui m’a fait le plus mal) il m’a fait remarquer à une occasion que je n’étais pas patiente avec les enfants et qu’il s’inquiétait de mon rôle de maman.
Il faut que tu comprennes que ces phrases étaient dites en passant, sans malice, et avec beaucoup de sérieux. Son inquiétude était vraie. Je n’étais pas assez bien. Et ça l’inquiétait.
Ce n’est pas normal de devoir compenser pour le temps passé loin de l’autre
Ça je ne le savais pas. Je ne savais pas que ce n’est pas normal de devoir “rattraper” le temps passé séparés.
Si je passais le samedi dehors, j’avais intérêt à être au taquet pour qu’on profite du dimanche ensemble. Si un soir j’étais une loque devant la télé, le lendemain j’avais intérêt à avoir une super énergie pour la soirée.
Sinon… il était déçu.
C’était ça ma punition. La culpabilité que je ressentais au fond de moi. De ne pas avoir fait assez.
Aujourd’hui je sais que mon énergie fluctue trop pour que l’on attende de moi que je sois tout le temps disponible. Mais à cette époque je m’en voulais, simplement.
Ce n’est pas normal de se forcer à faire l’amour
Si tu te demandes pourquoi j’écris autant sur le sexe, cela vient en partie de là. Car au bout d’un moment j’avais beaucoup moins envie. Et je m’en voulais. Je me disais que c’était ma faute. Maintenant je sais que je ne me sentais ni assez libre, ni assez valorisée dans la relation pour donner mon corps librement.
J’arrivais à faire l’amour quand nous passions du temps ensemble et que je me sentais aimée. Mais c’était rare que je puisse plusieurs jours de suite car ‘j’avais déjà donné’. Il se renfermait. Était triste, déçu, se sentait rejeté. Et je ne savais pas quoi faire. Alors j’arnaquais mon cerveau et je me mettais dans le mood pour m’approcher. Et finalement, ça finissait par aller bien. Jusqu’à ce que je recommence à ne plus avoir envie. Et le cercle recommençait.
Ce n’est pas normal de rire très peu souvent ensemble
Il riait beaucoup + avec les autres qu’avec moi. J’ai remarqué ça. Moi je l’avais grave et sérieux. Les autres l’avaient léger et plaisant.
Nous n’avions pas de longues conversations. Je n’avais pas assez de sujets intéressants à aborder, tu comprends. Et aussi, je ne posais pas les bonnes questions pour qu’il s’ouvre à moi. Il m’a dit ça souvent.
Ce n’est pas normal qu’il méprise ton travail
Qu’il pense que c’est du vent. Et qu’il n’y croit pas. Il croyait en moi. Il ne croyait pas en ce que je faisais. Il me l’a dit plusieurs fois. Il ne comprenait pas que des personnes puissent avoir besoin de moi.
C’était drôle. Quand j’ai écrit mon premier livre, il m’a dit qu’il voudrait le lire. Je lui ai envoyé à lui et à des amis. Il était déçu que je ne lui envoie pas à lui séparément. Je lui ai envoyé à lui. Il a commencé à le lire. Le soir il est venu me voir et m’a dit: tu sais quoi, j’ai commencé mais ce n’est pas vraiment mon truc ce que tu écris, est-ce que tu veux un feed-back sur un truc particulier. Je lui ai répondu non.
Ce n’est pas normal de devoir tout le temps se demander quoi faire et quoi être pour plaire
Je croyais que ça l’était. Que dans les couples c’était comme ça. Mais c’est faux. Ça ne l’est pas. Quand on aime quelqu’un, on aime quelqu’un. Comme il est.
Je lui ai demandé plusieurs fois pourquoi il était avec moi. Il me disait: je vois quelque chose en toi.
Bien sûr, je ne suis pas comme les autres. Une partie de lui aimait ça. L’autre la repoussait violemment. Je pense qu’il aurait aimé m’aimer comme j’étais. Mais ce n’était pas possible pour lui.
Ce n’est pas normal d’attendre que notre bonheur vienne de l’autre
Ce n’est pas normal que lorsqu’on boude, qu’on est triste ou déçu, on attende de l’autre qu’il nous fasse nous sentir mieux. C’est trop demander. Ça non plus je ne le savais pas. Alors quand il était triste, ou calme, ou déçu, je me sentais impuissante. Et quand il disait des choses qui me faisaient mal, je me mettais en colère. Et le calme qu’il me présentait en contraste me montrait encore une fois, que je n’étais pas assez bien pour gérer mes émotions.
Sur les années qu’a duré la relation, je vois tellement de choses qui clochaient, nous étions comme deux enfants complètement perdus. Moi je n’avais aucune estime de moi. Lui avait des exigences inouïes envers lui et envers moi.
Il m’écrasait. C’est comme si à chaque fois que je levais la tête de l’eau, il la remettait à l’intérieur. Et moi je lui faisais peur. Il ne se sentait pas en sécurité avec moi, il ne s’est jamais senti en sécurité avec moi, alors la meilleure solution j’imagine, était d’essayer de me maîtriser.
Je ne parle pas beaucoup de cette relation pour les raisons que j’ai dites plus haut, mais aussi parce que…j’ai honte. J’ai honte d’avoir été aussi faible. J’ai honte d’avoir autant fait semblant. J’ai honte de m’être menti à moi-même, à mes amis, à ma famille. J’ai honte de ne pas avoir vu ce qui était évident. Tous mes amis le voyaient.
La pression, le manque de chaleur, mes comportements. À marcher sur des œufs pour ne pas déranger. Il y a tellement que je n’ai pas fait pour ne pas déranger.
Pourquoi je suis restée si longtemps ? Parce qu’il représentait tout ce que je voulais sur papier. Tout. Car son existence me promettait des choses que je n’avais jamais vues avant. Des voyages, des expériences, une certaine bourgeoisie, une façon d’être dans le monde, tu vois?
Et pourquoi je suis partie ? Parce que je n’en pouvais plus. C’était juste trop. Une grosse goutte d’eau a fait déborder le vase et c’était ridicule. Une scène parfaite de film dont je te parlerai peut-être une autre fois.
J’ai couru après un fantasme de relation. Après Big dans Sex and de City. Or Big était immature. Carrie n’avait aucune estime d’elle même. Je ne l’ai compris que plus tard.
Aujourd’hui je me sens peu à peu guérie. Sinon je n’aurais pas pu écrire ici.
J’ai commencé une nouvelle relation qui est tout le contraire de celle ci. Et quelque part, je remercie mon ancienne relation pour m’avoir montré tout ce que je ne voulais plus.
Aujourd’hui j’ai un homme qui a su dès les premières 24h qu’il me voulait dans sa vie et personne d’autre, qui me fait confiance pour être sa femme et la mère de ses enfants. Qui voit en moi une grande stabilité et sécurité. Qui me fait à manger tous les jours, parce que ça lui fait plaisir. Qui n’attend rien de moi. Qui comprend mes mouvements d’énergie et qui n’est jamais déçu car il est heureux, lui-même, de nature. Qui me répète chaque jour que je suis la meilleure. Qui lit tous mes textes (alors qu’il comprend très peu le français !) et qui la dernière fois a passé 30 minutes à chercher des revues pour m’aider sur un sujet d’écriture. On vit une vie douce et calme, sans aucun drame. Et de loin on ne dirait sûrement pas les relations des séries télé. Et c’est tant mieux.
Car ce que la télé ne dit pas c’est que vivre dans le drame, ce n’est pas normal.
La paix est à portée, et elle a un goût délicieux.
Si ce que j’ai écrit a pu t’aider, alors je t’invite à le partager. Je prends ici ma responsabilité envers les autres femmes qui croiseront ce message.
Vous êtes assez.
Telles que vous êtes.
Et vous méritez quelqu’un qui le voit, qui le voit tellement qu’il se sent honoré, privilégié que vous soyez à ses côtés, qui vous trouve géniale, qui vous soutient. Et qui vous voit comme la plus belle chose qui lui soit arrivée.
Ce billet est également publié sur le blog de Lyvia Cairo.