Par Marie-Madeleine Sève
La pression au travail s’installe tellement qu’elle semble « normale » pour les salariés, revèle le dernier baromètre Cegos. Que font les DRH? Mystère et boule de gomme.
Le constat demeure inquiétant. Plus d’un salarié sur deux et deux encadrants sur trois évoluant dans les entreprises de plus de 100 salariés disent subir un stress régulier dans leur travail, selon l’édition 20017 du baromètre Cegos sur le climat social en entreprise*, publié le 5 décembre.
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Certes, la décrue est réelle, mais légère. À l’assertion « je subis un stress régulier dans mon travail », 54% des salariés répondent « oui » (-1 point par rapport au précédent baromètre, en 2015), comme 66% des managers (-7 points).
« Les risques psycho-sociaux ne sont plus un sujet tabou »
Pour 60% des salariés le niveau de stress a un impact négatif sur leur santé (en chute de 23 points par rapport à 2015), un taux moindre que pour les managers (65%, moins 1 point seulement). Pourquoi une telle différence dans ces évolutions? « On observe un phénomène d’autorégulation, explique Isabelle Drouet de la Thibauderie, manager de l’Offre et de l’Expertise RH au sein du groupe Cegos. Les DRH sont plus vigilants, mènent des actions spécifiques contre le surmenage. En outre, les risques psycho-sociaux ne sont plus un sujet tabou, et la parole se libère chez les managers. »
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Interrogés sur les « sources de ce stress », 49% des salariés, 52% des managers et 50% des directeurs et responsables des ressources humaines (DRH-RRH) citent « une charge de travail trop importante », un critère en nette baisse depuis 2015.
Pour 37% des salariés (et 31% des DRH), ce stress est lié à « un manque ou à une mauvaise organisation du travail« . Rien de bien nouveau finalement.
Sentiment d’isolement et pression de la hiérarchie
Pour 49% des salariés (et 52% des managers), la charge de travail est trop importante, mais cet item pèse moins lourd qu’il y a deux ans. En revanche, un tiers (32%) des salariés (+12 points) et 30% des managers (+8 points) attribuent le stress à « un manque de soutien » et à un « sentiment d’isolement ».
Pour 28% des salariés (+5 points) comme 30% des managers (+8 points), mais aussi 31% des DRH (+15 points, sic), ce stress est dû à « la pression exercée par la hiérarchie ». Ces deux derniers critères remontent « en flèche », soulignent les auteurs de l’enquête.
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Par ailleurs, les managers, prennent de plein fouet la pression externe des clients, sous-traitants et fournisseurs (44%, soit 16 points de plus qu’en 2015), ce dont ont bien conscience 38% des DRH. Conséquence: « le burn out et la dépression s’ancrent durablement dans le paysage professionnel ». 28% des salariés et 26% des managers déclarent en effet que leur travail leur a déjà causé des « problèmes psychologiques graves » au cours de leur carrière, dont ces deux pathologies. Des courbes qui se rejoignent en 2017, alors qu’en 2015, les managers semblaient moins concernés (19% seulement) que les salariés (29%). Par ailleurs, ces pathologies touchent plus fortement les ouvriers, les encadrants de moins de 40 ans et les femmes.
L’imbrication vie pro-perso, pas vraiment un problème
Autre résultat surprenant, si la frontière est toujours plus floue entre la vie professionnelle et la vie personnelle, les collaborateurs semblent fort bien s’en débrouiller. Les collaborateurs cadres sont 77% à travailler en dehors de leur temps de travail (+23 points par rapport à 2015), mais les non-cadres sont également concernés à 60%: soit une hausse de 38 points en deux ans. « Ce qui pose le problème de la déconnexion et de la charge de travail » commente Catherine Lainé, directrice de projet pour le groupe Cegos, spécialiste des enjeux RH.
Toutefois, 79% des cols blancs (+ 12 points vs 2015) et 82% des cols bleus (+7 points) déclarent parvenir à préserver un équilibre de vie satisfaisant. Et ils sont en gros plus des trois quarts à dire que leurs horaires de travail leur convient. Même si 41% des salariés tout de même, sont amenés à empiéter sur leur temps personnel pour travailler (contre 61% des managers). Investis, mais jusqu’à quand?
* Réalisé au mois de septembre auprès de 1.115 personnes (700 salariés, 250 managers et 165 directeurs ou responsables des ressources humaines) d’entreprises du secteur privé de plus de 100 salariés.