Par Catherine Marchi
Toi et moi, c’était écrit… Le “mythe de destin” est une invention nécessaire qui magnifie la rencontre et donne sa profondeur à la relation, affirme Robert Neuburger, thérapeute, spécialiste du couple, et auteur de Nouveaux Couples (Odile Jacob).
Psychologies : Selon vous, tout commence avec le mythe de la rencontre…
Robert Neuburger : Oui. L’esprit humain est merveilleux de romantisme. C’est ce que j’appelle le » mythe de destin « . Chacun va à la recherche de coïncidences signifiantes prouvant que sa rencontre avec l’autre n’est pas fortuite. Le destin vient dans l’après-coup… C’est une invention nécessaire qui donne une profondeur au couple. On est dans l’irrationnel, la pensée magique, la poésie. C’est de l’imaginaire à deux. On y adhère sans recul. On a foi en cette croyance qui n’est pas perçue consciemment comme croyance, sinon on n’y croirait plus !
Pouvez-vous nous donner des exemples ?
Robert Neuburger : Comme c’est curieux, on jouait au parc des Buttes-Chaumont toute notre enfance et on ne se connaissait pas. » Ou bien : » Nous avons la même passion pour la musique sérielle, les films de Dreyer ou les mémoires de Saint-Simon. » Le plus extraordinaire que j’ai entendu, c’est : » On a su qu’on était un couple le jour où l’on s’est aperçu qu’on n’avait rien en commun « , la coïncidence signifiante était là.
Ces exemples ne sont pas très magiques !
Robert Neuburger : Justement, le mythe joue souvent sur des détails. Le prototype, la structure de base, c’est Tristan et Iseult buvant un filtre d’amour qui ne leur était pas destiné. Transposé, cela donne : » Etrange, je n’aurais pas dû venir ce soir-là, pourtant je suis venu. Quelque chose m’a poussé. Je savais qu’on allait se rencontrer, c’était écrit. » Si l’un des deux avait eu cinq minutes de retard ou d’avance, ils ne se seraient jamais croisés. En fait, ils auraient trouvé quelqu’un d’autre, mais ils ne le savent pas !
Sans ce mythe, un couple n’existerait pas ?
Robert Neuburger : Le mythe magnifie la rencontre. C’est le premier pôle de croyance… quand le couple se constitue. Si, depuis le début, il y a une carence de mythe fondateur – si le couple se forme parce que la femme est enceinte, s’il y a eu hésitation entre plusieurs » prétendants « , etc. –, le couple deviendra une unité fonctionnelle à deux, rien de plus.
L’importance de ce mythe de destin s’émousse-t-elle avec le temps ?
Robert Neuburger : Non, pas du tout. Il restera la pierre angulaire des couples. En général, les partenaires ont compris l’intérêt qu’ils avaient à maintenir la croyance en ce moment décisif où ils se sont choisis et où ils ont été choisis par le destin. Si l’on s’aperçoit qu’il y a eu tromperie – que l’autre vous a dit adorer “la Recherche” de Proust seulement pour vous séduire et qu’il n’en a pas lu plus de dix lignes –, c’est très grave ! Une attaque au mythe touche au pôle de croyance et met le couple en danger.
Existe-t-il d’autres mythes dans un couple ?
Robert Neuburger : Le mythe de destin va vite s’étoffer et s’enrichir de » mythes de valeurs » partagés par le couple. Ces valeurs sont principalement la confiance, la fidélité, la vérité, la transparence, la passion, le respect et la liberté sexuelle de chacun. Ces mythes servent à renforcer le sentiment d’appartenance au groupe-couple et à faire croire à chacun qu’il partage la même » foi » en la relation. Pris à la lettre, certains mythes peuvent devenir dangereux. Par exemple, la » confiance » : le lieu de la confiance, c’est la famille, pas le couple. Je ne vois pas comment on peut avoir confiance à l’intérieur d’un couple alors qu’on sait, à propos de soi-même, qu’on peut très bien, du jour au lendemain, tomber amoureux d’une autre personne. Si on ne peut pas se faire confiance à soi-même, alors faire confiance à l’autre…
One comment on “Chaque couple se construit sur un mythe”
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