Vous éprouvez plus d’affection et d’empathie pour les chiens que pour les humains ? Non, vous n’êtes pas fou, et il y a même une raison scientifique à cela


Par Nathan Weber

Derrière votre amour inconditionnel des chiens, une misanthropie patentée se cacherait-elle ? « Plus je connais les hommes, plus j’aime les chiens », disait l’écrivaine Germaine de Staël. Tout comme la femme de lettres, beaucoup sont tentés de se réfugier dans l’inépuisable amour de leurs amis à quatre pattes, pour mieux oublier les travers de notre race, si imparfaite.

En effet, contrairement aux humains, les animaux ont ceci d’avantageux qu’ils ne font pas la guerre, qu’ils ne s’amusent pas à inventer des trucs qui bousillent l’environnement, et qu’ils ne vous réclament pas un pourboire pour vous rapporter le journal le dimanche matin. Ils nous sont fidèles et nous aimeront toujours, qu’importe la situation, le niveau de notre compte bancaire ou la panoplie d’erreurs que l’on a pu commettre. Bref, leur affection est pure, désintéressée.

Oui, mais quand même… Peut-on vraiment dire que le lien qui unit un humain avec son animal de compagnie est du même type et de la même nature que la relation qui peut lier deux homo sapiens qui se respectent ? Peut-on parler d’amitié, lorsque la relation est aussi asymétrique et que l’un des deux protagonistes est dans la position du maître ou du propriétaire ? Vous vous imaginez, vous, commander à votre meilleur pote de s’asseoir ou de faire le beau en échange du reste de croûte de votre pizza ?

Au-delà de ces considérations métaphysiques douteuses, il demeure en tout cas une question autrement plus perturbante : n’est-il pas contre-intuitif de préférer les membres d’une espèce différente à ses pairs ? La nature aurait dû, en toute logique, nous doter d’un instinct de conservation, qui voudrait que l’on favorise d’abord les êtres qui nous ressemblent afin de mieux perpétuer notre espèce… C’est d’ailleurs le cas d’ailleurs chez la plupart des autres espèces animales.

Et pourtant, il suffit de fréquenter un minimum la grande toile du net pour en avoir l’absolue certitude : en général, les gens ont plus d’empathie pour les animaux que pour les autres humains. On ne sait pas trop pourquoi, mais on est plus ému par l’histoire d’un chien battu et maltraité par un maître abusif, que par un bus scolaire brûlé au Nigeria.

Il n’y a qu’à voir les films américains : le monde entier peut s’écrouler, les pires atrocités peuvent se produire, mais le chien du héros ne meurt (presque) jamais. Et lorsqu’il arrive qu’un toutou trépasse effectivement à l’écran, cela provoque en général un véritable déchirement en nous… au point qu’il existe même un site spécialement conçu pour ceux qui pourraient ne pas le supporter : doesthedogdie.com, prévenant les âmes sensibles d’éviter telle ou telle œuvre cinématographique afin de préserver leurs petits cœurs fragiles.

Alors, pourquoi avons-nous tendance à favoriser les chiens au lieu de nos confrères humains ? Pourquoi sommes-nous plus touchés quand on s’en prend à Médor plutôt qu’à n’importe quel pékin moyen ?

Dans une récente étude, des chercheurs en sociologie et en anthropologie suggèrent que nous éprouvons tous, naturellement, plus de peine à être témoins de la souffrance d’un chien que d’un être humain. L’étude en question a été dirigée par les professeurs Jack Levin et Arnold Arluke, deux sociologues de l’université de Northeastern de Boston. Le premier est un spécialiste de la sociologie du crime et de la haine, tandis que le second a publié de nombreux travaux sur les rapports entre les humains et les animaux, et notamment plusieurs ouvrages de référence sur la cruauté animale.

Pour cette étude, les chercheurs ont soumis un panel représentatif de la population à un rapport de police (fictif) d’une attaque à la batte de baseball. Sur les rapports, l’agresseur était non-identifié, mais la photographie de la victime était présentée, et changeait à chaque fois : un enfant âgé d’un an, un bébé chien, un homme adulte âgé d’une trentaine d’années ou un chien adulte de six ans. Le texte, lui, était à chaque fois le même : « En arrivant sur les lieux du drame quelques minutes après l’attaque, un officier de police a découvert la victime avec une jambe brisée, des lacérations multiples, inconsciente. Aucune arrestation n’a pu être faite sur le moment. »

Comme on peut s’en douter, le bébé et le chiot ont obtenu les meilleurs résultats à ce test d’empathie. Naturellement, les personnes testées étaient plus scandalisées par l’agression commise sur ces petits êtres sans défense. Notons tout de même qu’entre les deux bébés, les résultats ont été très similaires, à croire que les personnes sondées ne faisaient pas de différence selon que le bébé soit un humain ou un chien.

En revanche, le chien adulte a récolté un taux d’empathie significativement plus élevé que l’homme adulte. Pour ce dernier, les personnes sondées étaient quasiment indifférentes à son sort.

Pour les chercheurs, il s’agirait avant tout d’une question de vulnérabilité et de dépendance : les animaux, comme les bébés, sont instinctivement considérés comme étant des individus plus faibles, qui ne peuvent pas se défendre par eux-mêmes. Cette réaction instinctive est logique lorsqu’on considère les chiots et les bébés, qui ont effectivement besoin d’être protégés des agressions extérieures en raison de leur fragilité. Là où c’est intéressant, c’est que les chiens adultes sont eux aussi considérés comme des individus dépendants, qu’il faudrait protéger… un peu comme s’ils étaient des enfants ou des bébés.

Il existerait donc une sorte de biais qui nous ferait percevoir les chiens adultes, qu’importent leur race et leurs capacités réelles à se défendre, comme des enfants, de gros bébés dont seule la taille aurait évolué depuis l’âge où ils étaient des chiots.

Les hommes adultes, eux, seraient considérés comme tout à fait aptes à se défendre eux-mêmes, ce qui minimiserait l’empathie dont nous serions capables à leur égard. Dans une logique de pensée qui s’apparente un peu au victim blaming, nous serions même prêts à rejeter la faute de l’agression sur eux, et à les accuser d’incompétence de ne pas avoir su déjouer l’attaque, de ne pas avoir été capables de se défendre proprement.

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