Violences sexuelles : un gigantesque problème de santé publique


Par la rédaction d’Allodocteurs.fr

Violences sexuelles : un gigantesque problème de santé publique

Une enquête approfondie menée auprès de femmes de tout âge jette une lumière crue sur la banalité des violences sexuelles. Ces violences ont des répercussions très importantes et tenaces sur la vie des femmes qui en sont victimes

Depuis l’affaire Weinstein et la libération de la parole des femmes avec les campagnes #Balancetonporc et #Metoo, difficile d’ignorer la réalité des violences sexuelles. La façon dont les femmes se sont emparées des réseaux sociaux pour raconter les agressions verbales ou physiques qu’elles subissent était déjà très révélatrice de l’ampleur du problème. La Fondation Jean-Jaurès a voulu réaliser un état des lieux de la fréquence des différents comportements et attitudes sexistes et des violences sexuelles. Les résultats de son enquête réalisée auprès de 2.167 femmes, rendus publics le 23 février, révèlent des faits extrêmement fréquents et des conséquences très importantes et durables sur la santé des femmes.

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La majorité des femmes ont été exposées aux violences sexistes

Premier enseignement : le sexisme fait partie de la vie de la majorité des femmes. 58% des répondantes ont déjà été exposées à des comportements déplacés, 57% à des propositions dérangeantes et une sur deux à des insultes ou des remarques à caractère sexiste (50%). Mêmes constats en ce qui concerne les gestes grossiers à connotation sexuelle (45% des femmes y ont déjà été confrontées) et des caresses ou des attouchements à caractère sexuel sans leur consentement (43%). Les faits déclarés ne sont pas « cloisonnés » : les violences peuvent être répétitives et cumulatives.

Elles concernent toutes les zones géographiques et milieux sociaux, mais avec des différences notables. Les habitantes de l’agglomération parisienne déclarent plus de violences que les femmes qui vivent en zones rurales : 72% de comportements déplacés, contre 51% ; 64% de propositions dérangeantes contre 53% ; 58% d’insultes ou de remarques à caractère sexiste contre 44% ; 52% de gestes grossiers à connotation sexuelle contre 39% ; 48% d’attouchements ou de caresses contre 37%. En revanche, l’exposition aux SMS ou mails à caractère pornographique, tout comme le viol, est relativement uniforme sur le plan territorial.

Socialement, les catégories populaires déclarent moins d’actes que les catégories plus privilégiées, ce qui pourrait indiquer une moindre prévalence, mais aussi une certaine auto-censure dans les milieux plus modestes. 69% des CSP+ déclarent avoir été exposées à des comportements déplacés, contre 51% des CSP- ; 66% à des propositions dérangeantes, contre 54% chez les CSP- ; 60% des CSP+ ont été exposées à des insultes ou remarques à caractère sexiste, contre 50% des CSP-. Le viol semble cependant moins socialement marqué : 15% de CSP+ déclarent avoir été violées, contre 11% des CSP-.


Graphique issu de l’enquête de la Fondation Jean Jaurès

12% des femmes ont déjà été violées

Le viol concerne tous les milieux mais surtout énormément de femmes : parmi les femmes interrogées, 12% d’entre elles déclarent avoir subi au cours de leur vie, ce que les textes de loi définissent comme un viol. Un chiffre plus important que tous les autres jamais mesurés auparavant. D’après les auteurs du rapport, l’époque et le contexte dans lequel s’inscrit le sondage « marqué par de très nombreuses révélations de cas de violences sexuelles touchant tous les milieux et largement relayées par les médias », peut expliquer un tel résultat, en favorisant un « phénomène de prise de conscience ou la levée d’un tabou chez une partie des victimes ». Le mode de recueil des réponses, en ligne, a aussi pu faciliter la déclaration de ces faits intimes et sensibles, en garantissant l’anonymat et l’absence d’interaction avec l’enquêteur.

La réalité du viol loin des représentations collectives

Dans un cas sur deux, les femmes victimes de viol l’ont été au cours de leur enfance (17%) ou de leur adolescence (34%) contre 49% quand elles étaient adultes. Beaucoup des viols sont commis par des personnes connaissant la victime : 31% des femmes déclarent avoir été violées par leur conjoint ; 19% par un membre de leur entourage ; 16% par un membre de leur famille. Les agressions ont lieu dans 42% des cas au domicile de la victime ; 24% dans un lieu privé ou un hôtel. La représentation du viol comme un crime perpétré dans l’espace public, par un homme inconnu, est une fois de plus largement mise à mal : 17% seulement des femmes ont été agressées par un homme qu’elles ne connaissaient pas.

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Des conséquences graves et durables pour les victimes de viol

Si l’époque est à la verbalisation de leurs agressions par les femmes, seules 38% d’entre elles en ont pourtant parlé à un de leurs proches. Mais les jeunes générations semblent avoir plus de facilité à parler : 52% des victimes de moins de 35 ans en ont parlé contre 39% des 35-49 ans et 25% seulement des 50 ans et plus.

Fait notable : les victimes s’adressent encore moins au corps médical : 70% d’entre elles n’ont pas été suivies médicalement à la suite des actes de violence sexuelle. Mais là aussi, un « gap » générationnel se dessine : les jeunes femmes ont davantage fait l’objet d’un suivi médical (pour 38% d’entre elles) que les plus âgées (seulement 23% parmi les 50 ans et plus). Le traumatisme causé par le viol semble pourtant lourd et durable. 81% des victimes disent repenser à leur agression sexuelle. Près d’une femme victime d’un viol sur deux (47%) repense  « souvent » ou « de temps en temps » à son agression. Et ce souvenir ne se dissipe pas : le chiffre est toujours de 42% pour celles qui ont été agressées depuis plus de 20 ans.

Bon nombre de femmes victimes ont recours à un traitement médicamenteux : parmi les femmes qui ont été soumises à un viol il y a moins de 5 ans, 35% ont eu régulièrement recours à des antidépresseurs, 16% à des anxiolytiques et 13% à des somnifères, une partie d’entre elles prenant plusieurs types de médicaments. Au total, parmi les victimes les plus récentes (moins de 5 ans), 43% ont eu régulièrement recours à un traitement médicamenteux.

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Le souvenir de l’évènement gâche la vie des femmes. 81% de l’ensemble des femmes se disent satisfaites de leur vie en général, contre 69% de celles ayant été victimes d’un viol. Ce mal-être peut déboucher sur une fragilité psychologique importante voire même sur un état d’esprit suicidaire. Ainsi, 38% des femmes victimes d’un viol ont déjà sérieusement envisagé de se suicider contre 22% des femmes en moyenne soit un écart de 16 points, ce qui est statistiquement très significatif.

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