Par Rozenn Le Saint
Le stress au travail peut aussi briser le cœur. Radiographie d’une maladie méconnue, déclenchée par un choc émotionnel.
Les premiers symptômes sont les mêmes que l’infarctus. La violente douleur au bras gauche effraie. On se retrouve 48 heures aux urgences cardiologiques… En réalité, il s’agit d’une maladie rare, le tako tsubo, qui signifie « piège à poulpe », en japonais.
« Piège à poulpe »
« Le cœur se retrouve serré dans une sorte d’amphore. Le tako tsubo est déclenché d’un coup, par un énorme stress psychologique ou un choc émotionnel », décrit Hervé Douard, chef de service de l’hôpital cardiologique de Bordeaux, à l’occasion de la journée de colloque Cœur et travail.
L’accumulation de stress se traduit par une soudaine dilatation du ventricule cardiaque gauche, qui prend la forme d’un « piège à poulpe ». Un syndrome identifié pour la première fois dans les années 1990 au pays du Soleil Levant, encore obscur sur le Vieux continent.
Les femmes ménopausées, premières victimes
Quelles sont les victimes de ce « piège à poulpe »? Les femmes dans sept cas sur dix, essentiellement âgées de plus de 50 ans. Quels sont les risques de cette prise d’assaut du palpitant? « On peut en mourir même si généralement, le myocarde se remet au bout de cinq, six jours. En revanche, il y a un risque de récidives de 10% », affirme le cardiologue.
La traduction en français du tako tsubo qui devient « syndrome du cœur brisé » est galvaudée d’un point de vue biologique, puisque le cœur reprend sa forme initiale au bout de quelques jours. Mais d’un point de vue psychologique, l’expression prend tout son sens: il laisse sa victime exténuée, sous le choc.
Violences du monde du travail
C’est ce que raconte Danièle Laufer dans son livre « Tako tsubo, un chagrin de travail », publié en septembre. La journaliste spécialisée des questions de psychologie raconte son arrivée en service de soins intensifs suite à un vif accrochage avec une collègue, et son enquête pour mieux cerner cette surprenante maladie. Elle y dessine les éléments déclencheurs, ces petites violences au quotidien de l’open space, l’absence de reconnaissance, la perte de sens au travail, les conflits de valeurs qui s’amoncellent… Au point qu’un jour, le cœur lâche.