Le 23 janvier 2002 disparaissait à l’âge de 72 ans, à Paris,
Pierre Bourdieu à la suite d’un cancer. De son vivant, de nombreux ennemis et détracteurs ont tenté de l’enterrer, s’attaquant parfois à son œuvre et à la sociologie d’une manière outrageante. 16 ans après sa mort, ces attaques n’ont pas cessé. On se souvient de l’essai à charge de Philippe Val, « Malaise dans la culture », aux éditions Grasset. Plus récemment, la sociologie fut un champ de bataille rangée autour du livre « Le danger sociologique, aux éditions PUF, signé à quatre mains par Gérald Bronner et Étienne Géhin, dans lequel les deux auteurs critiquent la tentation idéologique à laquelle succombent certains sociologues. Quand il était premier ministre, Manuel Valls y est allé à la hussarde contre la sociologie à la suite de certaines analyses expliquant les attentats par des facteurs sociologiques, économiques et sociaux. Pour Valls, « aucune excuse sociale, sociologique et culturelle » ne doit être cherchée au terrorisme. L’explication doit être cherchée du côté de l’Islam « qui porte en lui le germe du terrorisme »! La polémique continue sous d’autres formes.
Toujours actuel, Bourdieu ne cesse d’agiter le débat d’idées aussi bien dans le domaine sociologique que dans celui des médias, de la justice, de l’école, des arts.
Ses partisans sont tout aussi nombreux et combatifs. Les concepts qu’il a mis sur pied sont devenus des paradigmes incontournables utilisés un peu partout. Il n’a pas assisté à la révolution digitale, notamment à l’avènement de Facebook et de Twitter, autrement, il les aurait accompagnées par des formulations originales et inédites. Aujourd’hui, le regard que portent de nombreux journalistes et analystes passe par le prisme conceptuel de Bourdieu. Son actualité est plus que jamais vive; outre le livre de Marc Joly, « Pour Bourdieu », à paraître au mois de février aux éditions CNRS, paraîtra au mois de mars « Foucault, Bourdieu et la question néolibérale », aux éditions la Découverte, signée par Christian Laval. Foucault et Bourdieu: le second a été influencé par le premier, et tous deux sont penseurs du pouvoir et de l’État. Ils ont forgé le concept de néolibéralisme. « Foucault et Bourdieu partagent en effet une même idée du rôle de l’intellectuel: résister au pouvoir et à la domination suppose de connaître leur fonctionnement et leurs ressorts », indique Christian Laval pour lequel le combat contre le néolibéralisme est un combat central du XXIe siècle. Foucault et Bourdieu, deux maîtres penseurs indépassables, ont posé des jalons solides pour en décrypter le fonctionnement de sa mécanique implacable.