Confinement et violences conjugales : vos questions à la secrétaire d’Etat Marlène Schiappa


Violences conjugales en hausse, confinements difficiles, inégalités révélées au grand jour : la crise sanitaire menace de se doubler d’une crise sociale. Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, répond à vos questions.

Diverses mesures ont été prises pour essayer de lutter contre une hausse des violences conjugales de près de 30%. Le confinement exacerbe les inégalités. Femmes aux foyers, précaires, familles dans un très petit espace… sont en grande difficulté.

Marlène Schiappa, la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations répond à toutes vos questions.

En ligne également : Delphine Beauvais, directrice de l’association SolFa, qui vient en aide aux femmes victimes de violences

Alerter si l’on est victime ou témoin de violences conjugales

Alerter si l’on est potentiellement auteur de violences conjugales

  • Pour ceux qui sentent qu’ils sont sur le point de frapper, qui ont besoin qu’on arrête leur geste : 08 019 019 11

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Extraits de l’émission

Marlène Schiappa : « On observe dans les signalements 32% de signalements de violences conjugales en zone gendarmerie, 36% dans la zone de préfecture de police de Paris. Ce sont les signalements aux forces de l’ordre.

Paradoxalement, il y a moins d’appels au 39 19 (qui reste ouvert du lundi au samedi, de 9 heures à 19 heures), mais il est plus difficile pour les femmes de téléphoner. Et c’est justement pour ça qu’on a mis en place tous ces systèmes d’alerte […]

Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour que les dispositifs aillent à la rencontre des femmes, dans les pharmacies, dans les magasins qui restent ouverts, chez elles. Mais la vraie crainte, c’est pour les femmes qu’on ne réussit pas à toucher pendant le confinement et qui sont enfermées chez elles avec leur bourreau

Les numéros d’écoute ont des horaires, les frappeurs, eux, n’en ont pas. Que faire ?

A Fabienne Sintes qui fait remarquer que le 39 19 a été temporairement suspendu et qui reprend là du service, Marlène Schiappa répond : « Je voudrais être précise. Sur le 39 19, il y a eu des bugs pendant 24 heures parce qu’on est en train de faire le transfert technique et on a dû livrer aux écoutants, à leur propre domicile, les matériels pour qu’ils puissent continuer l’écoute en télétravail de chez eux pendant le confinement. […] Ce numéro d’écoute est ouvert du lundi au samedi, de 9 heures à 19 heures.

Que faire dans les situations d’urgence ?

Marlène Schiappa : « Le 39 19 n’est pas un numéro d’urgence. Si, par exemple, vous entendez des cris dans l’appartement ou la maison d’à-côté, le 39 19 va pouvoir vous accompagner et vous écouter mais il ne pourra pas diligenter une intervention pour une intervention en urgence. Pour ça, c’est vraiment le 17 (la police) ou la plateforme (ouverte 24h/24, 7j/7) arretonslesviolences.gouv.fr. Là, vous avez des policiers et des gendarmes, formés sur ces sujets, qui peuvent à distance diligenter une intervention des forces de l’ordre »

Est-ce qu’avec le confinement, il y a une « nouvelle population » de femmes victimes ?

Marlène Schiappa :

Ma crainte, c’est qu’effectivement, il y ait des violences conjugales avec des conjoints qui sont des gens récidivistes dont on savait qu’ils étaient violents avant le confinement, mais on sait aussi que le confinement vient percuter l’histoire familiale personnelle de chacun.

« Et donc, nous avons demandé à la FNACA, la Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales, de créer un numéro de téléphone qui a été ouvert aujourd’hui, qui s’adresse aux gens qui se sentent au bord du passage à l’acte et qui ne sont pas heureux de sentir cette pulsion de violence et qui veulent justement avoir un accompagnement. Et on leur dit ne frappe pas, appeler. Faites vous accompagner par des psychologues. Ce numéro, je me permets de le donner, c’est le 08 019 019 11 et c’est ouvert du lundi au dimanche, de 9h à 19h »

Delphine Beauvais :

Ce confinement vient entraver la possibilité pour de nombreuses femmes de nous contacter, que ce soit au niveau de nos services d’écoute, de nos accueils de jour, voire de demander une mise à l’abri en hébergement d’urgence.

« On sait très bien que les violences conjugales ne s’arrêtent pas le temps du confinement. Bien au contraire, elles ont une forte tendance à s’accentuer. Les situations qui nous arrivent parce qu’une femme parvient malgré tout à nous appeler – quand monsieur part faire une course, quand monsieur part balader le chien, quand elle a quelques minutes – ce sont des situations qui sont extrêmement graves.

En ce temps de confinement, est-ce que est ce qu’on peut réellement aller chercher la victime ? Et où est-ce qu’on la met à l’abri ?

Delphine Beauvais : « Au niveau de la politique de notre association, nous n’allons pas à domicile chercher des femmes : ce serait faire courir un trop grand danger aux travailleurs sociaux.

Nous essayons de travailler avec ces femmes pour leur permettre de sortir sur des moments propices de se mettre en sécurité. Evidemment, nous faisons aussi appel aux forces de l’ordre, police ou gendarmerie lorsqu’il y a un passage à l’acte et qu’il y a une nécessité d’intervention à domicile ».

Est-ce qu’on est encore capable, dans cette période de confinement, de prendre le frappeur et de l’éloigner de sa famille sans qu’il revienne ?

Delphine Beauvais : « Pour revenir sur votre question concernant les auteurs, évidemment, le gouvernement l’a mis fortement en exergue et les parquets tentent d’appliquer effectivement la question de l’éviction du conjoint violent, mais qui est loin d’être généralisée sur l’ensemble du territoire ».

C’est encore à la femme, aujourd’hui, de quitter le domicile et de se mettre sous protection.

Ces commissariats qui refusent des dépôts de plainte

Delphine Beauvais : « Pour moi, Il y a une vraie difficulté supplémentaire :

nous avons malheureusement été amenés à entendre des commissariats qui ne prenaient plus de dépôt de plainte de femmes victimes, notamment parce que le passage à l’acte n’était pas suffisantou qu’il ne s’agissait « que » de violences psychologiques ou de harcèlements et non de violences physiques.

Ça, c’est extrêmement questionnant, donc nous le faisons systématiquement remonter au niveau des délégations régionales, aux droits des femmes ainsi qu’aux parquets. Nous avons toujours la possibilité d’interpeller directement les parquets pour des situations d’extrême urgence. Mais aujourd’hui, entendre un commissariat refuser un dépôt de plainte, c’est juste pas possible. Pas dans cette situation actuelle »

Marlène Schiappa : « 

Le refus de prise de plainte pour des violences conjugales est inacceptable.

A chaque fois qu’on a des remontées à cet égard, on les adresse directement au ministre de l’Intérieur qui est pleinement mobilisé, qui a eu des prises de parole très fortes récemment et qui a donné des consignes très, très claires aux forces de l’ordre sur la question des violences conjugales et également sur les violences psychologiques. Je voudrais lui rappeler les violences psychologiques font partie des violences conjugales, principalement en cette période là.

Sur les violences psychologiques : juste avant le confinement, nous avions voté l’inscription de l’emprise du phénomène d’emprise dans les couples dans le Code pénal. Donc, bien sûr, les violences psychologiques peuvent donner lieu à des dépôts de plainte. J’invite, comme le fait l’association Sol fa, chacune et chacun qui constaterait un refus de prise de plainte à les faire remonter au niveau des préfectures afin que nous puissions agir, et à se tourner vers la plate forme. arretonslesviolences.gouv.fr. qui permet de préparer les prises de plainte« .

Une nouvelle forme de violence se développe aujourd’hui, très différente hors confinement

Marlène Schiappa : « J’ai eu des remontées d’une femme qui me dit, par exemple, que son conjoint ne lui laisse son attestation à elle que sous certaines conditions. Et donc, je rappelle que les attestations de sorties, elles, sont personnelles. Nul ne peut vous priver de votre attestation ou de vos papiers d’identité »

Est-ce que les affaires vont toujours devant le tribunal comme elles le devraient ?

Qu’est ce qui se passe pour les ordonnances de protection ? Pour les présentations devant le juge ? Pour toute forme de procédure d’urgence pendant le confinement ?

Marlène Schiappa : « La ministre de la Justice Nicole Belloubet, a demandé que les juridictions pour tout ce qui concerne les violences conjugales soient considérées comme des urgences, et qu’elles soient donc traitées avec une prioritédonnée à l’éviction du conjoint violent.

On considère que pendant la période de confinement, encore plus que pendant toute autre période, ce n’est pas la femme qui doit être obligée de fuir et de trouver où se loger.

Parfois, c’est son choix et quand c’est son choix, il faut que l’Etat l’accompagne : c’est la raison pour laquelle nous finançons 20 000 nuitées d’hôtel en plus des places dans les centres d’hébergement. Mais nous avons lancé une plate forme avec le groupe SOS (qui a des centres d’hébergement) pour qu’au niveau des juridictions, dès qu’il y a une éviction du conjoint violent qui est prononcée devant la justice, les services de l’Etat se mettent en branle et fassent reloger l’homme violent immédiatement. »

Des messages codés pour celles qui ne peuvent pas parler librement

Carmen, auditrice, indique que désormais, si une femme rentre dans une pharmacie en Espagne et demande un « masque 19« , le pharmacien sait que c’est un code pour signifier que la femme en question souffre de mauvais traitements ou d’agressions sexuelles. Théoriquement, ça marche aussi chez nous, dans les pharmacies et les centres commerciaux. Est-ce que ça a déjà été utilisé? Est-ce que c’est un bon moyen? Est-ce que les femmes le connaissent et les pharmaciens aussi ?

Delphine Beauvais : « En ce qui concerne les pharmaciens : effectivement, suite à l’allocution de monsieur Castaner, il a été envisagé et mis en place sur certains territoires l’opérationnalité de cette action au niveau des pharmaciens. […] Aujourd’hui, je ne pense pas que ce dispositif soit étendu sur l’ensemble du territoire. Je pense qu’il y a vraiment une mission de sensibilisation, de préformation à réaliser auprès des pharmaciens pour qu’effectivement, ce lieu devienne un lieu d’accueil, un lieu de protection et un lieu d’interpellation des forces de l’ordre.

[…] Nous avons accueilli des femmes ce matin et cet après-midi lors de nos deux permanences réalisées avec deux associations également présentes sur le territoire lillois. Ces deux permanences vont d’ailleurs engendrer la mise à l’abri dans un hébergement d’urgence d’une femme avec son enfant ». aller retour au Standard [00:15:14][17.1]

Une corrélation entre l’alcool et la violence faite aux femmes ?

C’est une question d’Eric, ancien alcoolique : quelle est la démarche du gouvernement par rapport à l’alcool, qui genère énormément de violences ?

Marlène Schiappa : _ »_On dit parfois que l’alcool cause des violences. Je pense que ce qui cause les violences, c’est la personne qui commet un acte de violence. L’alcool peut avoir cette capacité à être désinhiber et donc à « plus favoriser » le passage à l’acte, mais je ne crois pas que l’alcool en soit la cause principale. Il y a des gens qui boivent énormément d’alcool, qui ne frapperons jamais leur compagne de toute leur vie. Il y a des gens qui ne boivent pas une goutte d’alcool et qui sont des personnes violentes. Néanmoins, on observe effectivement une corrélation, notamment dans certains territoires, et c’est pour ça que, par exemple, les personnes qui répondent à la ligne d’accompagnement des auteurs de violences conjugales, ce sont des professionnels qui ont été justement formés sur ces facteurs là : alcool, consommation de stupéfiants, gestion de la récidive et tout ce qui peut contribuer à un terreau propice aux violences conjugales »

Delphine Beauvais renchérit : « Il faut être très vigilant à l’amalgame alcool / violences, même si je pense que cela peut être un facteur aggravant, effectivement.

Les violences conjugales touchent toutes les strates de la population, toutes les religions, toutes les cultures, tous les niveaux socio-économiques et en faire l’apogée des catégories précaires ou des personnes qui ont une addiction, ce serait extrêmement restrictif.

Pour la suite, notamment la dernière partie de l’émission avec la psychiatre Aurélia Schneider, sur une éventuelle évolution de la charge mentale et du partage des tâches domestiques dans le couple pendant le confinement…. écoutez l’émission 😉

FranceInter

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