Au sud de Nantes, une communauté de «  veilleurs  » face au suicide


Par Florence Pagneux

La 24e journée de prévention du suicide, mercredi 5 février, insiste sur la nécessité d’un travail de tous pour prévenir le suicide. Une philosophie expérimentée depuis 15 ans dans le vignoble nantais par le Groupe de prévention du suicide (GPS).

Un père de famille en arrêt de travail après un « burn-out », qui ne supporte plus cette situation. Une femme de 58 ans en instance de divorce qui vit très mal la séparation. Une mère découvrant des idées noires dans les cahiers de sa fille de 15 ans… Toutes ces personnes ont récemment pris contact avec le Groupe prévention du suicide (GPS) de la communauté de communes Sèvre et Loire, dans le vignoble nantais.

Sa naissance remonte à 2004, après plusieurs suicides de jeunes ayant marqué les esprits dans une région particulièrement exposée au phénomène. Selon une étude de Santé publique France en 2017, un habitant des Pays de la Loire sur 20 (soit 3,7 %) déclarait avoir eu des pensées suicidaires au cours de l’année écoulée. Avec 695 morts par suicide recensés en 2015 (dont 80 % d’hommes), la région se place au second rang des territoires les plus concernés, derrière la Bretagne.

Tous des « veilleurs »

La particularité du GPS ? Réunir, dès sa création, élus, habitants et soignants pour mieux repérer et accompagner les personnes en mal-être. « L’idée, c’est qu’on peut tous porter assistance à une personne en danger moral, même si l’on n’est pas un professionnel de santé », résume Daniel Coutant, médecin généraliste et auteur d’un ouvrage sur le GPS (1). Au total, plus de 200 personnes de tous horizons (appelées sentinelles ou veilleurs) ont suivi une formation au repérage de la crise suicidaire via l’Agence régionale de santé (ARS), dans le cadre du programme national de prévention du suicide.

Cette formation permet de casser les idées reçues sur le suicide et d’apprendre à détecter des signes avant coureurs, même les plus anodins. « Beaucoup de proches disent qu’ils n’avaient rien vu venir, observe Patrick Meluc, président du GPS. Mais en réalité, ces personnes donnent des signes les jours ou les semaines précédentes. » Et de citer l’exemple de cet homme, qui s’est tué par pendaison quelques semaines après avoir confié à l’un de ses amis, sur le ton de l’humour, qu’il « apprenait à faire des nœuds ».

Parmi ces veilleurs, une trentaine de bénévoles ont suivi une formation complémentaire pour devenir « écoutant ». Le GPS propose en effet aux personnes en souffrance ou endeuillées par suicide de composer un numéro, sur lequel elles peuvent laisser leurs coordonnées (2). Elles sont ensuite rappelées dans les 24 heures par l’écoutant, qui peut leur proposer un rendez-vous dans l’un des locaux de l’association, prêté par les communes.

Écouter sans juger

Le suivi peut alors durer autant que nécessaire. « Je me souviens d’un homme, aux prises avec l’alcool, qui avait déjà fait une tentative de suicide, raconte Patrick Meluc. Quand il nous a appelé, il était au plus mal car il venait de perdre son permis pour conduite en état d’ivresse et sa femme menaçait de le quitter. »

Après une série de rencontres, étalées sur plusieurs mois, la situation s’est apaisée. « Aujourd’hui, il est abstinent, a retrouvé sa femme et ils se remettent à faire des projets. » Pour autant, ces écoutants, qui reçoivent en binôme, n’ont pas de recette miracle. « Nous ne sommes pas là pour donner des conseils aux gens. Ce dont ils ont le plus besoin, c’est de l’écoute sans jugement. »

En fonction de leurs difficultés, le GPS oriente les personnes en souffrance vers d’autres associations ou vers le milieu médical. Il peut notamment s’appuyer sur une unité de prévention du suicide (UPS) lancée dès 2002 par Kahina Yebbal, psychiatre au centre hospitalier Georges-Daumezon, convaincue que « la prévention du suicide est l’affaire de tous ».

Difficile de savoir si la diminution du nombre de suicides, constatée au plan national depuis 15 ans, tient au travail de fourmi de structures comme le GPS. « Ce qui est sûr, c’est que le suicide n’est plus un sujet tabou sur notre territoire, et c’est déjà une grande avancée », note Daniel Coutant.

(1) Un GPS pour éviter le suicide, préfacé par Christian Baudelot, Vérone éditons, 2019

(2) Numéro du GPS : 02 40 46 27 52.

La Croix

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