« Vous attendez qu’elle soit tuée ? » Quand le président vit en direct la détresse d’une femme appelant le 3919


La gendarmerie nationale ouvre une enquête interne après la prise en charge considérée comme « défaillante » d’une femme menacée par son mari que les gendarmes refusaient d’accompagner chez elle. Son appel à la plateforme d’accueil téléphonique des violences conjugales a été reçu pendant une visite d’Emmanuel Macron.

Mardi matin, jour d’ouverture du Grenelle de la lutte contre les violences conjugales à Matignon, Emmanuel Macron était en déplacement dans le 19e arrondissement. Une « immersion » discrète de deux heures au siège du 3919, en présence uniquement de l’Agence France-Presse et Libération. Muni d’un casque, Emmanuel Macron écoute l’appel reçu par Elena, écoutante depuis 20 ans sur la plateforme téléphonique d’accueil des violences conjugales.

Au bout du fil, une femme menacée par son mari. Elle ignore la présence du chef de l’État, qui s’est engagé à ne pas intervenir. D’après le récit de l’AFP, Elena répond calmement à son interlocutrice, 57 ans. Elle a attendu que ses enfants soient grands, mais après 40 ans de mariage, elle s’est décidée à quitter l’époux qui la frappe. Elle vient de porter plainte pour violences, à nouveau, et veut passer récupérer ses affaires chez elle. Mais elle a peur de son mari.

« Vous êtes à la gendarmerie ? Vous êtes en danger, votre mari est au domicile. Les gendarmes peuvent vous accompagner », la rassure Elena. Mais les gendarmes refusent catégoriquement, se désole la victime. Elena insiste: « Ils doivent porter assistance aux personnes en danger ». Ils ne veulent pas, lui répond l’épouse.

Elena lance un regard interrogatif au président et change d’angle d’attaque. « Est-ce que le colonel veut bien me parler ? Non ? Et il vient de sortir ? » Un gendarme s’est emparé du combiné. « Bonjour monsieur, est-ce que vous pouvez la raccompagner chez elle ? » Non, lui répond le militaire :

« Il faut un ordre d’huissier. Et ce n’est pas dans le code pénal. »

Elena insiste, dépitée : « Mais c’est votre mission, de porter assistance aux personnes en danger. Non, non, je ne veux pas vous apprendre votre métier…Cette dame est menacée de mort, vous attendez qu’elle soit tuée ? Non, je ne suis pas sourde ! » Pendant un quart d’heure, très calmement, l’écoutante plaide, en vain.

Une « défaillance » fréquente

Énervé, le président s’empare d’un stylo et écrit sur un calepin des arguments pour tenter de convaincre le gendarme : « L’huissier appliquera une décision de justice. C’est au gendarme de la protéger dans un contexte où le risque est évident ». L’écoutante lance alors au gendarme : « Non il n’y a pas besoin d’un huissier de justice ! C’est le droit, pas la justice pénale ». Mais le gendarme ne cède pas. « Je pense que c’est de la mauvaise volonté », lâche enfin Elena avant de lui souhaiter une bonne journée. Finalement, Elena reprend la victime en ligne et l’oriente vers une association locale, puis raccroche.

« Ça vous arrive souvent, ça ? », interroge Emmanuel Macron. « Oh oui, et de plus en plus », rétorque Elena. On pourrait encore croire à une malheureuse « défaillance » s’il n’y avait eu « dimanche, pareil, la gendarmerie [qui] a refusé de prendre la plainte d’un dame », selon l’écoutante. Trois femmes ont également raconté au président leur épuisant parcours entre police, juges et associations pour se libérer d’un conjoint qui les frappait, voire, tentait de les tuer. « C’est un problème de formation et de perception du danger. Pas de décret ni de loi », conclut le président.

« Même si le contexte du cas évoqué doit être précisé, la prise en compte de cette victime en difficulté apparaît totalement défaillante », a réagi dans la soirée auprès de l’AFP la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), annonçant l’ouverture d’une enquête administrative confiée à l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) « pour déterminer les circonstances de ce manquement ».

Un audit dans 400 commissariats et gendarmeries

« Cela nous montre à quel point il y a un travail qui reste à faire sur l’accueil dans les commissariats », a réagi sur France Inter Marlène Schiappa qui accompagnait le président lors de son déplacement au 3919. »Les associations ont un outil pour évaluer le danger (imminent, grave etc.), il faut que les forces puissent en disposer pour que cela facilite leur travail », a-t-elle ajouté .

Lors de son discours d’ouverture du Grenelle sur les violences conjugales, mardi, le premier ministre Édouard Philippe a annoncé qu’un audit sera mené« dans 400 commissariats et gendarmeries », afin « d’examiner très précisément la façon dont les femmes sont accueillies, les dysfonctionnements, et les corriger ». « La façon dont auront été accueillies 500 victimes va être évaluée », a-t-il précisé.

Le gouvernement va également mobiliser 5 millions d’euros pour créer 1 000 nouvelles places d’hébergement et de logement d’urgence, à partir du 1er janvier 2020, destinées aux femmes victimes de violences conjugales.

« J’espère qu’Emmanuel Macron, en étant confronté à la réalité de ce que vivent les femmes victimes de violences au quotidien, va prendre des décisions qui vont changer la vie sur le terrain », a commenté Caroline De Haas, membre du collectif féministe #NousToutes. La porte-parole d’Osez le féminisme, Céline Piques, se dit quant à elle « assez dépitée qu’on en soit arrivé à un fonctionnement de l’État où il faudrait que ce soit le président Macron qui observe une défaillance de l’État pour qu’enfin celui-ci réagisse ».

► Anonyme et gratuit, le 3919 est ouvert 7 jours sur 7, de 9h à 22h en semaine et de 9h à 18h les week-ends et jours fériés.

FranceInter

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