« Tomber amoureux, cela n’arrive pas par hasard »


Par Jessica Gourdon

« Les couples qui durent sont avant tout ceux dans lesquels chaque personne va bien. »

Sa liste de trente-six questions, élaborée en 1997 dans le cadre d’une recherche universitaire, a fait le tour du monde. Arthur Aron, professeur de psychologie, revient sur cette étude.

En 1997, Arthur et Elaine Aron, deux enseignants-chercheurs américains, publient un article dans une revue scientifique de psychologie. Ils y explorent les mécanismes permettant de créer de l’intimité entre deux personnes. Pour les besoins de cette étude, ils ont élaboré une liste de trente-six questions personnelles (voir au bas de l’article la liste), formé des paires d’étudiants, et leur ont demandé d’y répondre tour à tour. Conséquence imprévue : deux élèves tombent amoureux.

En 2015, une professeure de littérature, Mandy Catron, s’empare du questionnaire, et l’essaie avec un collègue qu’elle connaît à peine. Elle tombe amoureuse de lui, et réciproquement : elle raconte cette histoire dans le New York Times. Depuis, la liste de questions est devenue virale, brandie comme une « recette » pour tomber amoureux. Mais que vise-t-elle réellement à créer ? Son inventeur, Arthur Aron, professeur de psychologie à l’université de Stony Brook (Etat de New York), spécialiste de la « science » du couple, en décrypte les mécanismes.

Vous avez élaboré une liste de « trente-six questions » dans le cadre d’une recherche universitaire en psychologie sociale. Quel était l’enjeu de cette étude ?

Nous avons créé ces questions dans le cadre d’une recherche sur les relations interpersonnelles, l’amitié, le sentiment d’intimité. Ce n’était pas pour tomber amoureux ! L’idée était de créer de la proximité entre deux ou plusieurs personnes, ce qui permet de souder des groupes. Nous avons formé des paires d’étudiants, de même sexe ou de sexes différents, et on a regardé ce qui se passait. On a aussi fait varier différents paramètres : la situation amoureuse de chaque étudiant, ses goûts culturels, ses valeurs, son orientation sexuelle…

Comment ces questions en sont-elles venues à incarner, de manière abusive, une « recette magique » pour créer de l’amour ?

Quand j’ai vu l’article du New York Times, et en particulier son titre [« Pour tomber amoureux de n’importe qui, faites ceci »], j’ai été choqué. Mais ensuite, je me suis rendu compte qu’on pouvait rendre justice à cette liste. Ces questions visent à se dévoiler dans son intimité, dans sa vulnérabilité. L’idée, c’est de direque pour créer une relation « proche » avec quelqu’un, l’une des clés est de rentrer dans un processus de dévoilement intime, progressif, et réciproque. Et c’est ce que ces questions permettent de faire.

Quelle est la dimension qui vous semble la plus importante dans les thèmes de discussions du questionnaire ?

Ces questions permettent d’aborder des sujets dont on ne parle pas dans une conversation banale avec quelqu’un, d’échanger des informations très personnelles – ses relations avec ses parents, ses espoirs secrets, ses échecs, ses faiblesses, ses rêves, les personnes que l’on admire… Et c’est cette proximité qui peut, dans certains cas, aboutir à une relation amoureuse. Le mouvement qui fait qu’on tombe amoureux, c’est l’échange d’informations personnelles.

Aussi, l’un des éléments-clé du questionnaire, c’est qu’il permet de dire à plusieurs reprises ce qui vous plaît chez l’autre : un geste, une phrase, un trait de caractère, un élément de sa vie… Tout cela envoie un signal, qui va en retour permettre un rapprochement. Lorsqu’on sait qu’on plaît au moins un peu à l’autre, on peut plus facilement lâcher prise.

Y-a-t-il des conditions particulières qui rendent cette liste plus ou moins efficace pour se rapprocher d’une personne ou tomber amoureux ?

La plupart des gens pensent qu’ils n’ont pas « décidé » de tomber amoureux. Toute notre société s’est construite autour de ce mythe de l’amour qui arrive par enchantement. Mais en réalité, cela n’arrive pas par hasard. Pour tomber amoureux, je crois qu’il faut être prêt à se rapprocher de quelqu’un d’autre, d’avoir face à soi une personne de l’âge et du genre qui vous convient, qui vous plaît raisonnablement physiquement… Nos études montrent que le fait d’avoir des goûts communs n’est pas fondamental pour créer de l’intimité entre deux personnes. En revanche, penser que l’autre vous ressemble est très important.

Pendant toute votre carrière d’universitaire, vous avez étudié les facteurs qui permettent de créer et de faire durer un couple. Quels sont les enseignements que vous en tirez ? Que nous dit la recherche en psychologie sur cette question ?

Les couples qui durent sont avant tout ceux dans lesquels chaque personne va bien, ou effectue un travail sur elle-même pour aller mieux. Si je suis déprimé, anxieux, avec une mauvaise image de moi-même, et que je ne fais rien pour m’en sortir, il est difficile de continuer à m’investir de manière saine dans ma relation. Aussi, les facultés de communication sont fondamentales : le fait de parler des problèmes, et d’apprendre à les régler par la parole permet aux couples de durer.

Ensuite, il y a la gestion du stress. Les gens qui gèrent mal la pression ont de plus grosses difficultés à rester en couple et à faire face aux difficultés de la vie. Outre ces défis personnels, nos recherches montrent que les couples qui durent sont ceux qui essaient d’introduire, chaque semaine, un élément nouveau, une surprise, une nouvelle activité, quelque chose qui sort de la routine.

D’autres études montrent l’importance de la célébration des succès de son partenaire. Chaque petite victoire peut être un prétexte pour fêter des réussites personnelles ou professionnelles. Des recherches ont également été menées sur l’importance de l’expression de la gratitude. Remercier, féliciter, dire à l’autre ce qu’on aime chez lui, c’est fondamental. Enfin, il y a l’attitude des amis et de la famille. Des travaux ont montré que lorsque l’entourage désapprouve ou avait une image négative du couple, cela compromet son maintien.

Vous avez un Avis à donner ?

One comment on “« Tomber amoureux, cela n’arrive pas par hasard »

Ecouter (1’30 ») l’introduction de Julia Molkhou qui recevait l’acteur et metteur en scène Nicolas Briançon, le mardi 10 juillet 2018, dans son émission LE MAG DE L’ÉTÉ, sur ce questionnaire des 36 questions.

https://www.franceinter.fr/emissions/le-mag-de-l-ete/le-mag-de-l-ete-10-juillet-2018

Reply

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Pour information

Les articles qui sont présentés sur le site sont une sorte de bibliothèque de sujets que j’affectionne particulièrement et qui sont traités dans différents média et mis à votre disposition. Cela pourrait s’appeler « Revue de Presse », mais c’est plus que cela, vous trouverez également des contenus bruts (Vidéo, recherches scientifiques, émissions de radio, …).

Je ne suis pas l’auteur de ces articles, en revanche, les auteurs, les sources sont cités et les liens sont actifs quand il y en a pour que vous puissiez parfaire votre information et respecter les droits d’auteurs.

Vous pouvez utiliser le moteur de recherche qui se situe en dessous et utiliser des mots clés comme alcool, dépression, burn out, … en fonction de votre recherche. Ainsi vous trouverez différentes publications, « articles » qui ont attiré mon attention.

Très bonne lecture.