La ménopause, c’est tout un tas de petits changements qui additionnés les uns aux autres, font un grand changement dans la vie des femmes.
C’est une sorte de puberté à l’envers. La puberté faisait entrer les jeunes filles dans l’âge adulte, mais que fait vraiment la ménopause? Quel horizon ouvre-t-elle? Les conséquences ne sont pas seulement physiologiques et hormonales : le caractère aussi peut changer, certaines habitudes, certaines envies. Alors face a de tels changements qui devient-on? Suis-je la même après la ménopause? Assurément non, puisque j’ai changé! Mais en même temps ce changement change-t-il vraiment qui je suis, change-t-il mon identité personnelle? Suis-je ou non la même femme à mes yeux? La question n’est pas propre à la ménopause, mais aussi à chaque fois qu’il nous arrive quelque chose. Tout ce qui nous arrive chaque jour modifie par petites touches ce que l’on pense, ce que l’on sait, ce que l’on fait, comment l’on vit, les gens que l’on rencontre, ceux qui s’éloignent peu à peu, bref tout change tout le temps dans nos vies, jusqu’à nos cellules qui se renouvellent en permanence et pourtant nous croyons spontanément que nous restons les mêmes personnes à travers tous ces changements. Le problème de l’identité personnelle c’est donc celui-là: comment puis je être la même personne tout en passant ma vie à changer?
Et peut être ne sommes nous jamais vraiment nous-même ?
Parce que nous ne cessons pas de changer, et notre identité n’est peut être qu’une croyance illusoire, qu’une habitude, qu’une façon de parler en employant toujours le même petit mot – je – pour parler de nous…ou bien encore qu’une construction civile et sociale : on reste soi même parce que c’est écrit sur une carte d’identité!
Alors pourquoi ne pas penser notre identité personnelle autrement ?
Par exemple avec le philosophe Paul Ricoeur. Pour Ricoeur notre identité personnelle ce n’est pas une identité qui reste la même à travers les changements de notre vie, mais notre identité c’est un grand récit que nous tissons, à travers tous les petits récits que nous faisons de tout ce qui nous arrive. Il appelle cela : l’identité narrative. Notre vie devient alors selon sa belle expression « un tissu d’histoires racontées ». Bien sûr que la ménopause est un changement important de la vie qui comme tous les changements bouleverse ce que je suis. Mais il me reste alors à intégrer ce changement à l’histoire de ma vie dont je suis à la fois le sujet et l’auteur. En ce sens, il n’y a pas une ménopause, mais des ménopauses, vécues et racontées différemment en fonction de ce que vit chaque femme. Parce que certaines insisteront davantage sur ce qui a été pénible, d’autres au contraire sur les nouvelles opportunités que cela ouvre.
C’est aussi ça le sel de la vie: on ne choisit pas tout ce qui nous arrive, mais on peut toujours en fixer le sens. Et ça ne dépend de personne d’autres que nous mêmes et c’est pour ça que tout ce qui nous arrive est l’occasion de dire à la face du monde qui nous sommes vraiment!