Emile Durkheim © Getty / Bettmann
Il avait l’apparence stricte des hommes de cabinet, la voix forte et la langue bien articulée qui étaient de mise au temps de la République des professeurs. C’était, dans les premières années du XXème siècle, une des illustrations de la Sorbonne. Évidemment, à deux pas, au Collège de France, le talent miroitant de Bergson séduisait autrement et attirait un public différent, fervent voire mondain ! Bergson invoquait l’intuition, l’énergie spirituelle, le jaillissement de la vie tandis que Durkheim appliquait à l’étude des faits sociaux les méthodes positives des sciences de la nature.
L’impression d’austérité qu’il dégageait dissimulait en fait une réelle sensibilité
Curieux de tout, il ne pouvait pas ne pas faire l’expérience de la mélancolie voire de la neurasthénie. C’était d’ailleurs aussi un fin psychologue. Après avoir fixé « Les règles de la méthode sociologique », il avait réuni une trentaine de collaborateurs qu’il sut conduire avec autorité, attention, affection souvent. Ce fut l’aventure, fondamentale, de « L’Année sociologique ». Le but était de recenser tout ce qui se faisait en histoire, géographie, droit, science des religions, statistique, géographie, ethnographie etc…etc…et d’accumuler tous les matériaux qui pouvaient être utiles à la construction d’une science du social.
La sociologie française commença ainsi, par la conquête patiente de connaissances et aussi de positions universitaires utiles. Son émancipation fut progressive. Durkheim l’avait préparée. Ses élèves, les durkheimiens, la menèrent. Le maître était mort en novembre 1917 mais dès 1924, la sociologie était si répandue qu’on commença à l’appeler la socio.