La confiance, toute une vie pour la construire


Par Flore Thomasset

Le théâtre permet de gagner une aisance à l’oral, au quotidien.

Qu’il soit intime ou sociétal, le manque de confiance est une lacune qui se travaille tout au long de la vie. Des stages et ateliers peuvent permettre de (re)construire ce « sentiment de sécurité » qui implique nos émotions, nos pensées et nos comportements.

D’abord, il a fallu bâiller bruyamment. Puis marcher les yeux fermés au travers d’une salle parsemée de chaises. Et enfin, se lancer à toute vitesse des bruits étranges les uns aux autres, comme un ballon. Ces trois exercices de « lâcher-prise », déconcertants pour le non-initié, font office d’échauffement à l’atelier théâtre sur la confiance en soi de l’association Petit Bain, à Paris. « Le théâtre est un formidable levier de changement, explique l’animatrice, Adélie, comédienne formée à l’art-thérapie. Jouer, se mettre en jeu, donner vie à un personnage est une manière d’oser des choses, de les dédramatiser et donc de prendre confiance. »

De mimes d’émotions en saynètes d’improvisation

Autour d’elle, un petit groupe de timides, voire de « phobiques sociaux », des gens manquant cruellement de confiance, ce « sentiment de sécurité d’une personne se fiant à une autre ou à quelque chose », selon le dictionnaire. « Avant de faire une action, ces personnes se posent mille questions, se laissent envahir par le doute puis renoncent », décrit Adélie. Au point de ne plus boire de café pour éviter de traverser l’ « open space » ou de refuser une promotion si le poste implique des prises de parole en public.

« Par l’improvisation et le jeu avec le corps, on tente de court-circuiter le mental : des choses nous échappent, on ne contrôle pas tout, mais ça va bien quand même ! », poursuit Adélie. Semaine après semaine, de mimes d’émotions en saynètes d’improvisation, les participants assurent avoir « gagné en confiance » : « Avant de prendre la parole, j’arrive désormais à respirer et à retrouver mon calme, explique une participante. J’ai appris à mieux gérer mes émotions, à ne plus me laisser déborder par elles, à ne plus les subir. »

Apprendre à utiliser ses forces

Mais la confiance n’est pas qu’une question d’émotions : « Il y a trois dimensions dans la confiance », explique Frédéric Fanget, psychiatre et psychothérapeute. Ce qui relève du comportement : les gens qui manquent de confiance n’osent pas, ils ont des conduites d’évitement. Ce qui relève des émotions : ils sont envahis par la peur, l’anxiété, la honte sociale. Et enfin, ce qui relève du cognitif : ils ont des pensées négatives, convaincus qu’ils ne seront pas à la hauteur du moindre défi.

La confiance se construit dès le plus jeune âge./Flashpop/Getty Images

« Pour construire la confiance, il faut jouer sur ces trois leviers », affirme le psychiatre, se fondant sur les progrès de la psychologie et des neurosciences accomplis depuis au moins une dizaine d’années. On connaît désormais mieux la confiance en soi, ce qui la stimule et l’étaie ou ce qui, au contraire, la fragilise. « Avoir une bonne confiance en soi, ce n’est pas se sentir le meilleur en tout, c’est connaître ses forces et ses faiblesses, reprend Frédéric Fanget. Les gens qui manquent de confiance exagèrent leurs lacunes et ignorent leurs compétences. Je leur dis : “Trouvez vos forces et apprenez à les utiliser”. »

La confiance se construit dans l’enfance

Et ce, à n’importe quel âge de la vie. Car si la confiance est en partie une question de tempérament, elle se construit dans l’enfance et se travaille tout au long de la vie. « Parmi les gens qui manquent de confiance, une infime minorité a connu un accident de parcours qui a brisé leur confiance, tandis que la très grande majorité ne l’a tout simplement jamais construite », note Frédéric Fanget.

Les parents et l’école ne parviennent pas toujours, de fait, à faire émerger la confiance chez les plus jeunes. « On met une pression terrible sur nos enfants et nos adolescents pour qu’ils “réussissent” à l’école et dans leurs examens, alors qu’on pourrait leur apprendre tout autre chose : se connaître, s’adapter, définir leurs valeurs et déterminer par eux-mêmes leur trajectoire », suggère Laure de Balincourt, créatrice de stages sur la confiance pour les adolescents.

« Après, il ne faut pas non plus trop culpabiliser les parents, nuance immédiatement le psychiatre. D’abord parce qu’il y a tout ce qui nous échappe, comme les traumatismes de la cour d’école, les moqueries, voire le harcèlement. Ensuite parce qu’on peut redistribuer les cartes à tout âge. »

Changer le regard sur soi-même

Une conviction partagée par Jacqueline Beyron, « coach professionnelle » qui intervient pour Force Femmes, une association accompagnant des femmes de plus de 45 ans au chômage. « La confiance, tout le monde en manque, mais une épreuve comme un licenciement ou le chômage peut encore aggraver les choses,explique-t-elle sans détour. Certaines femmes fondent en larmes avant même de prendre la parole, tellement l’émotion n’est pas digérée, tellement elles ont honte de leur situation. Lors de l’atelier, je leur demande de citer cinq qualités, et elles n’en trouvent pas tant. Je leur demande quels sont leurs talents, elles répondent “aucun”. »

Alors la coach les incite à changer de regard sur elles-mêmes et sur leurs compétences, y compris celles qui semblent à tort innées ou anodines, comme l’organisation, le dynamisme, la créativité… « Je leur explique aussi que tout est une question de point de vue : un entretien d’embauche “raté” n’est pas un échec, mais un essai, illustre en souriant Jacqueline Beyron. Je leur apprends à ne pas écouter cette petite voix intérieure négative qui dit qu’on n’y arrivera pas et à remplacer les “je voudrais”, poliment appris dans l’enfance, par des “je veux, je peux” ».

Construire une société de la confiance

Car la société, par ses codes et convenances, n’est en effet pas étrangère au déficit de confiance que beaucoup de personnes éprouvent. « Prenons les femmes, cite François Fanget, à qui l’on demande d’être à la fois des épouses épanouies, des mères attentives, des employées investies. Quel perfectionnisme ! Le vrai féminisme, ce n’est pas de courir après cette image, c’est d’être soi et de l’affirmer, avec ses points forts et ses points faibles, dans une forme, quelque part, d’anticonformisme. Le développement de l’individu est un peu révolutionnaire finalement ! »

Il faudra bien, de toute façon, une petite dose de révolution pour construire une société de la confiance. Car ce n’est pas le fort des Français : il y a plus de dix ans, dans un essai devenu fameux sur la « société de défiance », les économistes Yann Algan et Pierre Cahuc avaient expliqué comment parmi « tous les pays développés, ici plus qu’ailleurs, on se méfie de ses concitoyens, des pouvoirs publics et du marché ».

Une défiance très française

A l’image de la défiance envers les politiques, traditionnellement forte : une large majorité de Français pensent que « les élu(e)s et les dirigeant(e)s politiques français sont plutôt corrompus » (75 %) ou que les responsables ne s’intéressent pas à « ce que pensent des gens comme eux » (85 %), selon le baromètre de la confiance politique du Cevipof.

Cette défiance a progressivement gagné d’autres sphères : les médias, l’école, les grandes entreprises, notamment l’agroalimentaire… Mais le tableau n’est pas uniquement sombre. Selon le baromètre international BVA sur la confiance, publié en février 2018, seuls 22 % des Français interrogés considèrent en effet que l’année à venir sera pire que la précédente… soit une baisse de 5 points par rapport à l’année d’avant.

Le signe d’un frémissement français ? L’avenir, justement, nous le dira ! « Ce qu’il faut bien mesurer aussi, quand on parle de la confiance, c’est tout ce qu’il faut déconstruire avant de la construire, formule, dans un sourire, Adélie, la comédienne. Car nos blocages constituent notre identité : je suis phobique sociale, je suis timide, je suis discrète, etc. Qui suis-je si je ne suis plus celui-là ? Parfois, je vois des gens progresser sans même qu’ils s’en rendent compte et je me dis que c’est tant mieux : il faut arrêter de vouloir tout penser ou en tout cas, tout contrôler. » Y a plus qu’à !

La Croix

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